Astéroïde et point chaud.
A l'image de notre de notre ceinture qui fait le tour de notre auguste abdomen, la succession de tous les volcans actifs qui entourent l'océan Pacifique est appelée "la ceinture" de feu.
Mais pourquoi le Pacifique est-il pourvu d’une telle ceinture ? La réponse a été apportée par les géologues qui ont remarqué que c’était à cet endroit que se heurtaient les plaques tectoniques, celles qui supportent les continents. Cette observation est d’ailleurs générale, car la plupart des volcans sont à la jonction des plaques.
En glissant l’une sur l’autre, chaque plaque entraîne l’eau et les sédiments du fond des océans. Au contact du manteau terrestre, la pression et la température augmentent, vaporisant l’eau. La vapeur remonte à la surface par les fissurations du sol, en entraînant le magma. Un volcan est né.
Mais qu’en est-il des volcans qui ne sont pas à la jonction de plaques ? Pour ceux là, une explication a été proposée en supposant la remontée depuis les très grandes profondeurs, d’une goutte chaude de magma qui finit par percer la croute terrestre à la manière d’un chalumeau, pour générer un volcan.
La Terre, au cours de ses milliards d’années d’histoire, a aussi connu des épanchements de lave cataclysmiques comme les trapps de Sibérie ou celles du Deccan, en Inde, qui, en quelques centaines de milliers d’années, ont recouvert une surface équivalente à la France sur une épaisseur de 2 à 3 kilomètres. De tels phénomènes dépassent largement en intensité ce que l’on peut voir de nos jours sur les points chauds de la planète. Quelle pourrait en être leur origine ?
Le Terre est une boule de matière élastique. L’existence des tremblements de terre en atteste. Ils ne sont, en effet, que le passage des ondes créées par une excitation de la croûte. Celle-ci peut avoir différentes origines, du simple phénomène des marées au choc d’une explosion ou du frottement des plaques tectoniques. La Terre est un ballon bien gonflé qui réagit et qui résonne.
Imaginons maintenant qu’une excitation suffisamment forte se manifeste en un point de la croute. Elle génère des ondes qui, de réflexions en réflexions, se déploient dans l’ensemble du volume du globe terrestre pour se concentrer au point diamétralement opposé et revenir, tout en s’atténuant, vers le point d’origine. Les simulations par ordinateur montrent que l’énergie accumulée au point de convergence des ondes, diamétralement opposé à celui de l’excitation, reste du même ordre de grandeur que l’excitation, à l’atténuation près.
Chacun peut faire l’expérience suivante avec un ballon de basket et une balle de tennis. Posons la balle de tennis sur le ballon de basket et laissons les tomber ensemble. Pendant toute la chute, la balle de tennis reste sur le ballon de basket. Quand le celui-ci touche le sol et s’écrase, l’excitation générée produit une onde qui se déploie dans le ballon, en fait le tour et se concentre au point diamétralement opposé, là où est posée la balle de tennis. Celle-ci récupère l’énergie en rebondissant bien plus haut que si elle était tombée seule. La structure du ballon de basket a concentré l’énergie du choc pour la transmettre à la balle.
Supposons maintenant qu’une très grosse excitation se produise sur le sol terrestre. Supposons qu’elle soit si forte, qu’elle en arrive à casser la croute superficielle. Cet évènement induirait des ondes de même nature que celles produites par n’importe quel autre évènement. Seule l’amplitude, sans commune mesure, en traduirait la puissance. Au point antipodal de l’excitation, là où les ondes convergent, il se produirait un tremblement de terre dont l’énergie serait comparable à celle de l’excitation, laquelle, par hypothèse, brisait la croute terrestre.
Quelles seraient les conséquences d’un tel évènement ? Une large déchirure de la croute mettrait à jour les roches magmatiques en fusion qui s’épancheraient largement sur le sol, le couvrant d’une impressionnante épaisseur de lave, avant que la cicatrice ne se referme petit à petit au cours du million d’années suivant.
Bien entendu, les dégâts collatéraux seraient à la hauteur de l’évènement. L’atmosphère serait empoisonnée par l’énorme volume des gaz libérés, modifiant le climat terrestre pour quelques millions d’années, tuant et stérilisant toute vie sur Terre.
Hypothèse ? Utopie ? Réalité ? Et puis… quelle pourrait-être la nature d’une excitation aussi puissante ?
L’histoire de notre planète garde les stigmates de telles aventures. On trouve sur notre Terre, comme sur l’ensemble des planètes telluriques du système solaire, de nombreux cratères d’impacts météoritiques, dont les plus gros atteignent plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. Le choc d’un gros astéroïde sur notre planète est un évènement suffisamment cataclysmique pour engendrer une large déchirure de la croute terrestre au point antipodal. On peut facilement imaginer qu’un tel évènement, qui à lui seul peut déjà détruire la vie sur Terre, soit à l’origine de phénomènes volcaniques difficilement imaginables.
Il se trouve que le point antipodal des trapps de Sibérie se trouve en Antarctique, justement là où a été découverte une anomalie géologique ressemblant fortement à un immense cratère d’impact, et dont l’âge est identique à celui des trapps. Malheureusement, les 2 km de glace qui le recouvrent, empêchent d’en avoir la certitude.
On peut donc imaginer le scenario d’un gros astéroïde d’une douzaine de kilomètres de diamètre, qui heurte le sol de l’Antarctique à une vitesse d’une vingtaine de kilomètres par seconde. Le cataclysme qu’il produit détruit la vie sur Terre et provoque une énorme secousse qui ouvre la croute terrestre au point antipodal, la Sibérie. Par cette blessure béante s’écoulent les milliers de km3 de magma qui forment les trapps, et dont les gaz empoisonnent l’atmosphère, transforment le climat et empêchent la recolonisation de la Terre par la vie pendant une vingtaine de millions d’années.
Ceci s’est passé il y a 250 millions d’années, lors de la Grande Extinction, qui a laissé la place au règne animal le plus robuste que la Terre ait connu : celui des dinosaures.
Mais ça, c’est une autre histoire…
Jean-Marie Schmitt