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JUIN 2007 – ETNA
L’Etna, situé en Sicile, est le plus grand volcan d’Europe en activité. Son nom est dérivé du mot indo-européen AIDHNA (qui a la propriété de brûler). Les siciliens l’appellent MONGIBELLO (du latin MONS et de l’arable DJEBEL – montagne) : montagne des montagnes. En mythologie : résidence du dieu Vulcain et des cyclopes (l’œil unique du cyclope représente le cratère sommital du volcan).
De 3350 m de hauteur, il est situé sur la côte orientale de la Sicile, au contact des plaques lithosphériques africaine et européenne, qui ont eu diverses phases de collision et d’éloignement, créant une mosaïque de microplaques entre ces deux plateformes, engendrant un volcanisme de subduction et fissural.
L’époque pré-etnéne se situe à environ – 600 à 700 000 ans. Le volcan a émergé il y a 300 000 ans et a mis 150 000 ans pour atteindre sa morphologie actuelle. Il est formé de
4 cratères sommitaux au centre d’une immense caldeira élyptique :
- le point culminant est le cratère
Nord-Est, formé en 1911 ;
- avant la 2ème guerre mondiale, il y avait un cratère central unique de 550 m de diamètre, comblé en 1940 ;
- en 1945, formation du cratère sommital, la
Voragine, de 350 m de diamètre et plusieurs centaines de mètres de profondeur, en 1971 ;
- en mai 1968, un petit soufflard perce le flanc de la Voragine durant 18 mois ;
- en 1970, effondrement du flanc du volcan et un cratère de 100 m, puis de 300 m, formant la
Bocca Nuova ;
- en 1971, apparition du cratère
Sud-Est, de 400 m de diamètre ;
- à ce jour, environ 250 cratères adventifs ou secondaires (éteints définitivement) ; certains alignés sur des fissures radiales (boutonnières).
De sa formation à nos jours, l’Etna est un véritable volcan laboratoire puisque en continuelle mutation. A l’origine, nous trouvons un volcanisme tholéitique (basalte riche en silice, pas d’olivine, peu alcalin), puis alcalin (riche en titane, sodium, potassium).
L’Etna ancien a connu deux grandes phases :
- première phase –150 000 à -170 000 ans : dynamisme strombolo-effusif, formant un appareil type « volcan bouclier » ;
- deuxième phase – 100 000 à – 75 000 ans : plus explosif.
C’est un volcan à laves fluides, en activité persistante et à éruptions latérales fréquentes.
Photo : J. Sintès
C’est un volcan centré : alimentation centrale puis divergence par les fissures avec éruptions latérales. Actuellement, nous enregistrons un déplacement des éruptions vers l’Est, provoquant un glissement des flancs dans cette direction.
C’est un volcan polygénique : c’est-à-dire un volcan dont l’histoire comporte des phases multiples – activités aux dynamismes éruptifs variés, phases de repos et d’érosions, épisodes tectoniques.
Reposant sur un substratum imperméable et incliné, celui-ci lui confère une instabilité due au poids qu’il doit supporter, d’où le glissement de ses flancs. Cette imperméabilité retient des nappes phréatiques, provoquant des éruptions phréatomagmatiques.
A partir de 1999, l’analyse des différentes éruptions facilita la compréhension de l’évolution de ses activités très complexes.
La composition chimique depuis cette date est en constante transformation, en particulier en oxyde de silicium (SiO2), en magnésium et en calcium.
De ce fait, le volcan émet des laves différenciées (le magma se scinde en portions chimiquement et minéralogiquement différentes).
Deux laves différentes alimentent les cratères sommitaux :
- les magmas provenant de taux de fusion variés d’une source homogène, leur individualisation arrivant depuis les zones profondes, jusqu’au stade éruptif ;
- les laves du cratère Sud-Est se différencient de celles des cratères centraux par une plus grande concentration en thorium.
Lors de l’éruption de 1999, les cratères ont fonctionné en même temps et conformément à cette analyse : ces deux magmas peuvent se mélanger provisoirement et reprendre, pour chaque cratère, leur originalité. Le magma est un mélange de silicates fondus (le liquide), de cristaux et de bulles de gaz.
Magmatologie : là encore, l’Etna est surprenant – ses éruptions ne sont que les paroxysmes d’une activité persistante dans la zone centrale ou sommitale.
Photo : J. Sintès.
Sa lave, bien que liquide, est cependant d’une consistance et d’une dureté surprenante. La difficulté d’accès rendait impossible d’effectuer des mesures directes de la température des coulées, le transport d’instruments de mesure lourds et encombrants n’étant pas envisageable.
En avril 1999, l’ouverture d’une fracture à la base du cratère Sud-Est laissait échapper un flot de lave qui allait être actif pendant 6 mois. Il fut enfin possible, à l’équipe de Roborto CLOCCHIATTI – du laboratoire Pierre Süe, C.E.A. – C.N.R.S. – d’effectuer des mesures dans la zone d’émission – à 3000 m d’altitude – et de vérifier que la température la plus élevée était seulement de 1086°C au centre de la coulée, à des profondeurs comprises entre 40 et 60 cm.
En comparant les températures d’autres volcans basaltiques, le Kilauea Iki (1185°) et le Piton de la Fournaise (1220°), celles de l’Etna sont assez basses en raison de la composition de ses laves, riches en alcalin et éléments volatils. La conséquence de ces températures se traduit par une émission de laves de viscosité relativement élevée et des vitesses d’avancement des coulées assez lentes, ce qui laisse du temps aux populations des zones habitées pour quitter leurs demeures.
Les conclusions (provisoires)
L’étude de l’évolution des activités et des produits émis par cet édifice volcanique nous fait progresser dans la compréhension de son fonctionnement, mais il reste toujours imprévisible : déplacement sur l’Est (logique), retour vers l’Ouest et Sud-Ouest (moins logique).
Eruption du Sud-Est. Photo : J. Sintès.
- depuis 50 ans, les laves basaltiques (fluides) cèdent la place à des roches émises par des activités violentes et explosives ; ces roches sont, de plus en plus, des trachybasaltes (ou hawaiites) ;
- depuis 1998/1999, mais surtout depuis 2001, il est en activité presque permanente. Nous assistons même, sur le flanc Sud de la Bocca Nuova, à l’ouverture d’un petit cratère : il sera intéressant de suivre son évolution !
Photo : fissure sur Bocca Nuova - Guide Etna Nord.
- Mais nous portons tous une attention particulière au cratère Sud-Est ; en 5 ans, nous l’avons vu grandir avec des activités spectaculaires et significatives : éruptions explosives, fissurales, des fontaines de lave, dont une de plus de 1000 m de hauteur (Terre et Volcans était là !) …
Fontaine de lave. Photo : J. Sintès.
Nous pensons que, dans un futur proche, c’est vers le Sud-Est et la Vallée del Bove que se produiront les événements importants.
C’est la première fois, depuis 1879, que l’on observe une éruption double, qui souligne l’existence des rifts actifs Nord et Sud, avec de magnifiques cônes fissuraux, sur les deux faces du volcan.
Sur la face Nord, il y a environ 10 siècles que les coulées n’étaient pas descendues aussi bas.
Les dynamismes éruptifs diffèrent complètement : uniquement effusif au Nord, surtout explosif au Sud et les produits émis n’ont pas la même composition.
Sa majesté l’Etna n’a pas fini de nous surprendre et de nous émerveiller !
Sources et informations :
- Roberto CLOCCHIATTI
- J.M. BARDINTZEFF