titre:Visite de l'observatoire du Piton de la Fournaise (Réunion)
auteur:J. Sintès
date:20-03-2008
VISITE DE L’OBSERVATOIRE DU PITON DE LA FOURNAISE
- ILE DE LA REUNION -
Cet observatoire est l’un des plus performants (et fiables) du monde. C’est à la suite de l’éruption en dehors de la caldeira de l’Enclos – qui détruisit le village de Piton-Ste-Rose en 1977 – que la Région, le Conseil Général et l’INSU (Institut National des Sciences de l’Univers) ont décidé de construire cet observatoire dont l’achèvement a été confié à l’Institut de Physique du Globe de Paris. Il emploie en moyenne 13 personnes, plus des stagiaires.
Les équipements principaux sont composés de 45 stations géophysiques permanentes et de 4 relais radio de télétransmission.
- Sismographe : enregistrement de l’heure, durée et amplitude des mouvements sismiques. Il y en a une vingtaine sur les massifs. Ils peuvent être perturbés par le passage des touristes, des hélicoptères et surtout par les orages : lors des cyclones, il est nécessaire de modifier leur réglage. Ils sont surtout concentrés autour des cratères sommitaux, sur la dernière caldeira et sur un cercle qui inclus la Rivière de l’Est vers Sainte-Rose, la deuxième caldeira et le flanc sud jusqu’à Saint-Philippe ; un seul à Cilaos pour surveiller les séismes régionaux. Il n’y en a plus sur le Piton des Neiges.
- Inclinomètre : mesure de la pente radiale et tangencielle du volcan. Jusqu’à présent, toutes ces mesures enregistrées étaient de l’ordre d’un microradian (1 mm par km) ; les instruments modernes descendent en dessous du 1/10ème de microradian.
-Extensomètre : mesure de variations de fissures dans des plaques : horizontale, verticale et cisaillement. La sensibilité est de l’ordre de 1/1000 de mm, mais de l’ordre de plusieurs 1/10 de mm pendant la dernière éruption (information du 13.10.1998 de M. STAUDACHER qui nous précisait que l’éruption du 9 mars au 21 septembre 1998 était la plus longue depuis au moins 1900 !).
- Station géomagnétique : mesure les variations du champ magnétique.
- Géodimètre : mesure les distances entre les remparts (bords de la caldeira) et les flancs du volcan.
-Sont également mesurées les températures des cratères et des fumerolles.
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- G.P.S. : nous apercevons des « clous » répartis en différents points du volcan ; ils servent à la surveillance par G.P.S. (Global Positioning System). Chaque année, plusieurs campagnes de mesures sont effectuées par les satellites (3 à 10 relevés journaliers). Les observations sont d’une précision inférieure au centimètre (par rapport à un point fixe). C’est ainsi que le déplacement du flanc Est a été évalué à plusieurs mètres en 10 ans.
Mais, ce qui m’intéressait le plus, c’était de voir où en était la progression dans la prévision des séismes et des éruptions, grâce au gaz Radon … d’autant que cet observatoire est doté de 6 stations équipées de capteurs géochimiques.
Pourquoi les scientifiques se penchent-ils sur l’étude des gaz magmatiques ?
Une attention particulière est accordée aux gaz radioactifs, en particulier ceux de la famille de l’Uranium (238 U) présents dans tous les magmas. Parmi ses descendants radioactifs nous trouvons bien sûr le Radon et puis 3 descendants particulièrement intéressants : le plomb (210 PB), le bismuth (210 Bi) et le polonium (210 Po), éléments stables dans le magma.
Les gaz magmatiques – ceux émis directement dans l’atmosphère – sont composés surtout de vapeur d’eau (H2O) en moyenne plus de 90 %, de gaz carbonique (CO2) de soufre (en particulier sous forme de SO2 et H2S) d’hydrogène (h) d’azote (N) et différents gaz rares. Leur étude participe à la compréhension du comportement des volcans, des chambres magmatiques et du magma.
Qu’est-ce que le RADON (Rn) ? c’est un gaz qui a l’avantage d’être radioactif, gazeux à toutes les températures, donc facilement décelable, et d’avoir un bruit de fond très faible. Il sera sans doute un moyen très efficace pour prévoir les mouvements sismiques et, peut-être, les éruptions volcaniques. On trouve ce gaz dans toute la croûte terrestre et, bien sûr, dans le magma. Quand celui-ci commence son ascension, à partir d’une certaine hauteur, il commence son dégazage. Lorsque la pression augmente, le gaz s’échappe par les fissures, probablement véhiculé par le CO2 qui est le gaz majeur dans le magma. Alors que celui-ci se trouve encore dans les réservoirs superficiels ou dans les fissures, le radon peut ainsi être détecté en surface avant que ne se produise un événement éruptif.
Bien que pour le moment il ne nous ait pas encore vraiment aidés à prévenir une éruption par une observation correcte, les crises sismiques, par contre, sont souvent annoncées plusieurs heures avant (en moyenne 36 heures). Ces mouvements, décelés et mesurés par les différents appareils de surveillance, seront analysés et comparés aux manifestations du radon. Les rapprochements ainsi obtenus commencent à se faire de plus en plus précis.
Quand un événement sismique sérieux se produit, l’ordinateur décide de son importance et accélère l’enregistrement des données des appareils de surveillance. Il est possible, alors, de déterminer le foyer, la profondeur etc. de l’événement. La journée, il y a toujours une présence à l’observatoire. De nuit, à partir de 3 séismes dans l’heure, l’ordinateur déclenche un appel téléphonique.
Prévision pour l’avenir :
Le Piton de la Fournaise est un des volcans les plus actifs au monde. Il y a eu une éruption par an en moyenne depuis une centaine d’années. Il y a eu 76 éruptions de janvier 1930 à janvier 1992, soit en moyenne une éruption tous les 10 mois, mais le rythme est irrégulier. Les durées de « calme » entre deux éruptions successives varient entre quelques jours et six ans.
Or, en octobre 1997, il y avait un « trou » de 5 ans (l’avant-dernière s’étant terminée le 23 septembre 1992). De 1993 à 1996, il s’est produit de 3 à 4 séismes par jour, de 0,5 à 2,5 de magnitude. De janvier à mai 1997, mouvements assez calmes. Puis, en juin et juillet, 2 manifestations par jour de + 2 et, à compter du mois d’août jusqu’à octobre de 4 à 5 manifestations par jour de + 2 de magnitude. Record en octobre : dans une seule journée, il a été enregistré – en une heure et demi – 130 séismes de différentes magnitudes.
Utilisation des signes précurseurs.
Si les mouvements sismiques précurseurs d’une phase éruptive se produisent entre 2000 m et le sommet du volcan, il ne s’écoule que 20 mn à une heure ½ avant une éruption. S’ils se situent à moins de 2000 m : entre 3 et 5 heures. Vers la base du volcan : 5 à 10 heures avant l’éruption. C’est-à-dire que, dans certains cas, les risques pourraient être plus importants pour les touristes que pour les habitants, ce qui pose un problème aux autorités responsables du tourisme.
En juin 2002 une équipe de chercheur spécialisée en thermographie à l'île de la Réunion, faisait une démonstration du résultat de leurs travaux grâce à une expérience d'imagerie infrarouge qui rend visible les coulées avant leur sortie de terre ou lorsqu'elles refroidissent
Sans doute un moyen d'anticiper les éruptions hors enclos
L'observatoir volcanologique voit dans l'infrarouge un nouvel outil de surveillance du volcan.
A savoir :Crises sismiques : ce sont des séismes séparés, intermittents.
Trémor : c’est un tremblement de plus longue durée (plusieurs heures).
Particularités du Piton de la Fournaise : on constate toujours une activité régulière et très intense.
Les éruptions ont souvent lieu à l’intérieur de l’enclos ; de plus, elles ne sont jamais explosives.
Pour ces raisons, elles ne constituent pas un danger réel pour la population.
Les grandes éruptions, récentes, qui ont marqué le Piton de la Fournaise.
- éruption de 1977 (Piton –Ste- Rose) du 24 mai au 17 novembre
- éruption de 1986 (Takamaka)
- éruption de 1998
- éruption de 2001
- éruption de novembre 2002
- éruption de janvier 2003
- éruption de juin 2003
- éruption d’août 2003
- éruption de décembre 2003
- éruption de mai 2004
- éruption d’août 2004 qui, malgré de petites accalmies, en deuxième quinzaine de septembre,
o continue à produire des coulées de lave.
Remerciements à Thomas STAUDACHER, Directeur de l’Observatoire du Piton de La Fournaise et à Patrick BACHELERY, grâce à qui cette visite a pu être possible.
Bibliographie : PLEINS FEUX SUR LES VOLCANS.
Jacques SINTES