LA PIE-GRIECHE ECORCHEUR
(Lanius collurio)
Dès le lever du jour, j’arpente un milieu de buissons bas où il est difficile de pénétrer. Soudain, très en évidence au sommet d’un massif d’aubépine, un oiseau au masque de Zorro se dresse, un volumineux coléoptère au bec. J’admire longuement la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio).
Appartenant à la famille des Laniidés, les Pies-grièches font figure de rapaces avec leur bec crochu, leurs goûts sanguinaires. Elles se tiennent de préférence sur des postes dominants, en terrain découvert (buissons mais aussi fils électriques).
Le mâle est superbement élégant. Sa calotte gris pâle est soulignée par une bande noire en travers de l’œil. Le manteau d’un brun rougeâtre contraste avec la poitrine d’un rose délicat.
La femelle est très différente, couleurs variables mais la poitrine est toujours barrée de fines ondulations.
Dans son inventaire de 1936, N. Mayaud la donnait nidificatrice très commune dans toute la France. En période de nidification, l’Ecorcheur évite les contrées trop fraîches et arrosées mais aussi les régions à climat estival chaud et sec. Elle est souvent bien représentée en moyenne montagne. La Pie-grièche écorcheur a besoin d’espaces dégagés pour chasser les insectes et de fourrés denses et épineux pour construire son nid (prunellier, aubépine …).
Elle arrive fin avril, début mai. Dès la première décade d’août la majorité des adultes entreprennent leur migration postnuptiale. Les quartiers d’hiver s’étendent sur une vaste partie du sud et sud-est du continent africain. L’aire d’hivernage n’est pas connue exactement.
Le régime alimentaire de cet oiseau est très varié, il est composé d’insectes divers (il désarme les hyménoptères en frottant la pointe de l’abdomen pour détruire l’aiguillon) mais aussi des vertébrés : campagnols, mulots, petits passereaux pris au nid, lézards, grenouilles …
La manie de la famille c’est de garder en réserve certaines proies en les empalant sur des épines, ce qui constitue un « lardoir »
) avec deux coléoptères et un papillon. Cette habitude varie selon les espèces et les individus, elle lui vaut le qualificatif « d’écorcheur ». N. Lefranc a trouvé 26 proies (insectes) empalées le même jour dans le territoire d’un couple.
Suite à la migration prénuptiale, le mâle est revu le premier sur un territoire assez réduit. Tout se passe très vite, une semaine après le retour de la femelle, on peut trouver un nid prêt à recevoir la ponte. Celui-ci est construit par les deux sexes et est caché à faible hauteur (de 0,4 m à 1,8 m). Il s’agit d’une coupe ouverte paraissant volumineuse. J’ai eu l’occasion de récupérer, après l’envol de la nichée, un nid pour l’analyser. Je constate que ma théorie des trois couches est toujours vérifiée. L’assise extérieure est constituée de mousse verte et de quelques brindilles sèches qui forment la charpente. L’assise centrale conforte l’armature solide avec des herbes sèches grossièrement entrelacées. L’intérieur est simplement tapissé d’herbes fines et de quelques feuilles.
Les dimensions suivantes sont relevées : diamètre extérieur 12 cm, diamètre intérieur 6,5 cm, hauteur totale 7,2 cm et profondeur 3,8 cm. Rappelons que l’oiseau a une longueur totale de 17 cm.
La ponte est généralement de 4 à 6 œufs arrondis. Ceux-ci offrent une gamme de variations assez grandes, souvent tachetés de gris et de brun violacé, surtout en couronne sur un fond pâle.
L’incubation dure de 14 à 16 jours. Les jeunes restent au nid de 13 à 14 jours. Ils croissent rapidement et quelquefois à 12 jours, ils peuvent sauter hors du nid. L’espèce n’est pas parasitée par le Coucou gris dans notre pays alors qu’elle l’est régulièrement en Europe orientale.
Les densités de l’espèce ont certainement chuté au cours des trente dernières années pour des raisons liées à la modification du milieu. Les menaces qui pèsent sur Lanius collurio sont les pesticides qui affectent les populations d’arthropodes. La disparition des haies, la mise en culture des prairies sont tout de même préoccupantes. Comme les haies épargnées sont en bord de route, les jeunes sont souvent victimes de la circulation automobile à l’envol ;
Dans la famille des Laniidés on peut citer deux autres espèces :
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La Pie grièche à tête rousse (Lanius senator) estivante seulement. En juillet 85, au pied de notre résidence, dans une haie épineuse, une nichée est détruite systématiquement par un Epervier.
- Plus rarement,
la Pie grièche méridionale(Lanius meridionalis) est observée en région provençale.
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Les photos sont réalisées lors des séances de captures dans le but de baguage pour le C.R.B.P.O. (Museum National).
N° 1 – 3 – 4 : Michel Bouillot
N° 2 : Jean-Luc Jondeau
Le croquis aux traits est réalisé par Michel Bouillot.
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