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LE MAGMA DES POINTS CHAUDS
Une expérience française confirme que le magma de certains volcans provient de la zone d’interface entre le noyau liquide de la Terre et le manteau rocheux.
Le Piton de la Fournaise. Photo: J. Sintès.
Le magma des volcans dits de points chauds, comme ceux d’Hawaii et de La Réunion, provient-il des entrailles de la Terre à 2900 km de profondeur, là où le noyau liquide est en contact avec le manteau rocheux ? Cette hypothèse, qui a le vent en poupe depuis quelques décennies, vient d’être confirmée par une expérience française.
Denis Andrault et son équipe du laboratoire Magmas et Volcans à l’université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand ont reconstitué les conditions extrêmes régnant à l’interface entre le noyau et le manteau, dans la zone rocheuse de plus de 200 km.
La température y atteint 4000°C et la pression affiche 130 giga-pascals, soit 1 300 000 fois la pression atmosphérique.
Pour recréer un tel décor en laboratoire, les scientifiques ont utilisé une presse très particulière : des enclumes enserrent un échantillon de roche pris entre deux mâchoires en diamant, le plus dur des minéraux.
Les deux gemmes, taillées sur mesure, exercent, sans se briser, une poussée sur l’échantillon comparable à celle qu’il subirait à la base du manteau terrestre. Dans le même temps, un laser échauffe l’échantillon.
Celui-ci est une roche chondritique – du nom d’un type de météorites dont la composition chimique reflète celle du manteau – qui ne dépasse pas 0,03 mm.
L’objectif de l’équipe était de voir si, dans cette fournaise, la roche fondue devient moins ou plus dense que la roche solide.
- Moins dense, cela signifie qu’elle pourrait, au cours des temps géologiques, se frayer un chemin – par la simple poussée d’Archimède – sur 2900 km à travers le manteau et surgir à la surface sous forme de lave via les volcans.
- Plus dense, elle serait condamnée à demeurer dans les profondeurs de la Terre et à rejoindre le noyau.
Les résultats de l’expérience sont surprenants. « Lorsque la roche chondritique fond, des éléments chimiques migrent et certains vont préférentiellement dans le liquide, explique l’un de ses membres, Denis Andrault.
La densité de la partie fondue dépend de sa teneur en silice et en fer. Il y a quelques années, nos collègues japonais avaient conclu que le fer devenait 15 fois plus abondant dans le liquide.
Très dense, la roche fondue devait donc rejoindre le noyau. » Or, le résultat des français est tout autre : le liquide n’est que deux fois plus riche en fer que le solide et plus léger de quelques centièmes : il doit donc remonter.
Comment expliquer ce revirement ? « Les performances des lasers utilisés évoluent très vite, ainsi que la précision des instruments d’analyse », avance Denis Andrault.
La théorie était donc la bonne, ce sont les mesures qui manquaient.
Azar Khalatbari
Source : Sciences et Avenir – Octobre 2012