titre:Surveillance du Nyamulagira (Congo) depuis ..le Luxembourg
auteur:Eric Reiter - T&V-Moselle
date:21-12-2006
L’éruption du Nyamulagira surveillée depuis … le Luxembourg
Depuis près de deux ans, la section de géophysique/astrophysique du Musée national d'histoire naturelle de Luxembourg a lancé un programme de recherche en télédétection pour la mesure de déformations millimétriques de la croûte terrestre par satellite. Les applications possibles sont nombreuses tant au niveau national (effondrements miniers, glissements de terrain, gonflements de marnes, ...) qu'international (tectonique, volcanologie, séismologie, ...)
Le Musée national d'histoire naturelle de Luxembourg applique actuellement ces techniques pour un programme d'étude et de surveillance de volcans actifs africains mené en partenariat avec le Musée Royal d'Afrique Centrale en Belgique. L'actualité volcanologique « brûlante » en République Démocratique du Congo permet aujourd'hui d'appliquer ces techniques à l'étude de la crise éruptive du volcan Nyamulagira.
Dans la soirée du lundi 27 novembre 2006, le Nyamulagira est entré en éruption. Ceci fait suite à une activité sismique importante enregistrée au sud-ouest de la chaîne volcanique des Virunga par l'Observatoire Volcanologique de Goma (OVG).
À ce jour, les scientifiques de l'OVG n'ont pas encore pu se rendre sur le lieu même de l'éruption du Nyamulagira, cette zone étant le siège de combats entre insurgés et soldats de l'armée gouvernementale. Plusieurs survols du volcan ont toutefois pu être réalisés. Apparemment aucune activité n'a été enregistrée dans le cratère sommital. Les observations font état d'une fissure éruptive sur le flanc Sud produisant des fontaines de lave atteignant jusqu'à 120 mètres de hauteur.
Le lundi 4 décembre, les observations aériennes semblent indiquer que l'activité s'est ralentie au point de ne plus devoir craindre de risques pour la population. La direction prise par les coulées menaçait en effet d'atteindre des zones habitées et de couper la route qui relie Goma au reste du Kivu. Les scientifiques restent cependant très vigilants car le Nyamulagira a déjà présenté dans le passé des crises composées de phases éruptives successives. Cette éruption s'est par ailleurs rendue responsable de la formation d'un impressionnant panache de fumée et de cendre qui pourrait causer certains problèmes de santé notamment par la pollution de l'eau potable et des cultures du fait des retombées de pluies acides.
Le Grand-Duché de Luxembourg est actuellement engagé activement dans la surveillance et l'étude de plusieurs volcans actifs africains, dont le Nyiragongo et le Nyamulagira. Ces études réalisées depuis le Luxembourg font un usage intensif d'images satellitaires et en particulier de l'interférométrie radar (InSAR). Cette dernière technique permet de mesurer les déformations millimétriques de la croûte terrestre en combinant entre elles des images radar acquises notamment par les satellites européens ERS ou ENVISAT. Cette méthode aboutit en particulier à la production de cartes des déformations éventuellement produites lors de l'ascension du magma vers la surface ou lors de mouvements tectoniques.
Les techniques spatiales offrent comme intérêt majeur une vision globale des phénomènes qui se produisent sur le terrain même lorsque l'accès à celui-ci est rendu difficile ou impossible pour diverses raisons. Elles sont en général complémentaires à des mesures de terrain pouvant être effectuées dans des zones accessibles où la sécurité des personnes et de l'équipement peut être assurée. Cependant, étant donné le délai de 35 jours nécessaire aux satellites utilisés pour revenir sur un site donné, les observations ne sont pas continues dans le temps. C'est pourquoi les observations InSAR sont complétées par des techniques d'observations géodésiques continues dans le temps mais ponctuelles dans l'espace telles le GPS permanent et l'inclinométrie.
Les études menées jusqu'ici ont montré que les récentes éruptions de ces volcans ne furent pas précédées de déformations du sol supérieures au seuil de détectabilité que présentent ces techniques InSAR. Par contre des déformations co-éruptives éventuelles, comme celles observées par exemple lors de l'éruption du Nyiragongo en 2002, permettront de tirer des enseignements importants sur les mécanismes éruptifs et les liens possibles avec la tectonique de cette branche du rift africain. À l'heure actuelle, le trajet et l'étendue exacts des coulées restent approximatifs mais les chercheurs du Mnhn et du MRAC qui collaborent étroitement dans ces travaux, attendaient le passage du satellite européen ENVISAT mardi 5 décembre pour l'acquisition de la première image radar après l'éruption. Celle-ci devrait permettre d'établir une carte précise des différentes coulées de lave et ainsi d'aider localement à la prise de décisions.