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Les dômes de lave.
Les dômes de lave sont actuellement au cœur de l’actualité volcanique : au Mérapi, il menace d’exploser, celui du Saint Helens poursuit sa croissance depuis plus d’un an et alors que celui de Soufrière Hills grandit depuis plus de dix ans et provoque régulièrement des nuées ardentes. Mais que sont les dômes de lave ? Quelles morphologies ont-ils ? Comment fonctionnent-ils ?
Définition
Lorsque la lave qui est émise lors d’une éruption est trop visqueuse pour s’écouler, elle s’accumule sur place et édifie un dôme. Du fait de sa viscosité élevée, la lave, souvent riche en gaz, est émise lentement. Le dôme résulte généralement de la superposition de lobes successifs en sommet de colonne de magma. Les côtés des dômes ont généralement des flancs très abrupts et sont fréquemment recouverts de dépôts de blocs instables mis en place pendant ou juste après leur extrusion. Leur éventuel démantèlement peut être plus ou moins explosif en cours d'éruption, mais le dernier dôme subsiste souvent en fin d'éruption et refroidit lentement avec une activité fumerollienne.
Un dôme peut croitre de manière endogène (par injection de lave à sa base) ou de manière exogène (par émission de lave à sa surface).
Les premiers, relativement riches en gaz, croissent sous la poussée exercée par le magma sous-jacent. Cette poussée distend la carapace solidifiée et la craquelle, ce qui permet au magma frais de remplir les hiatus ainsi apparus.
Les seconds (à croissance exogène) résultent de l’accumulation de coulées de lave visqueuse, courtes et épaisses, à partir d’un point central qui s’élève au fur et à mesure de l’éruption. Cet évent est aussi le siège d’un dégazage bien visible.
Morphologie
Les dômes présentent des aspects fort variés dont les morphologies dépendent directement des propriétés physiques de la lave émise.
En fonction de la viscosité de la lave, on distingue plusieurs types de dômes (Bardintzeff, 1998 ; Barois, 2004, Blake 1990) :
· Le bouchon soulevé (ou crypto-dôme) débute par une injection de magma sous des couches de terrains qu’il soulève parfois de plusieurs centaines de mètres. Ensuite, son diamètre correspond à celui de l’orifice de sortie. De ce fait, les véritables crypto-dômes sont rares car ils s’effondrent généralement dès leurs formations (les dômes O’usu sur le volcan Usu, Japon).
· Le dôme lisse dont la surface régulière est dépourvue d’aspérités rocheuses (Sarcouy, chaîne des puys)
· Le dôme rugueux dont la coupole présente un aspect scoriacé (Merapi)
Le dôme du Mérapi durant l’été 1998 (Source: http://www.geophysik.uni-koeln.de/ageo/merapi/merapi_de.html)
· Le dôme hérissé dont la surface est recouverte d’aspérités et de crêtes provoquées par des injections de lave isolées (Santiguito, Guatemala)
Le dôme de lave du Santiaguito vu depuis le sommet du Santa Maria.
Il est constitué de plusieurs intrusions qui lui donnent cette forme particulière. On parle aussi de complexe de dômes de lave à son sujet
(Source : http://volcano.und.nodak.edu/vwdocs/vwlessons/volcano_types/strato2a.htm)
· Le dôme éclaté par la poussée interne de la lave et ouvert en bouton de rose.
· Le dôme étalé dont la forme de galette est due à un fort taux d’expansion latérale sous l’effet de son propre poids (Mont Meygal, Velay). En règle générale, il présente un fort dégazage.
Le dôme étalé du Soputan, Indonésie (© F. Lécuyer, d’après Buisson (2006) modifié)
· Le dôme coulée, constitué de lave relativement fluide, est un intermédiaire entre les dômes étalés et les coulées de lave. On en distingue 2 types :
o Le dôme coulée unilatéral dont l’expansion d’un côté est favorisée par la pente du volcan (dôme de la tortue, Velay)
o Le dôme coulée multilatéral dont l’expansion se développe autour d’une extrusion centrale dominante (pic de lizieux Velay).
La base d’un dôme est souvent encombrée par des débris effondrés de ses flancs ou déposés par les explosions qui accompagnent sa croissance.
Mécanismes des dômes de lave
Les dômes sont des objets complexes que les seules observations et mesures de terrain ne permettent pas de comprendre. Par conséquent, la modélisation est un outil permettant d’appréhender les processus difficilement apparents sur le terrain.
Les modèles analogiques sont réalisés en laboratoire avec des matériaux ayant des comportements similaires à ceux des magmas formant les dômes de lave. Il s’agit donc de volcans en modèle réduit dont le principal avantage est de pouvoir travailler en coupe.
Grâce à ces expériences, on commence à comprendre ce qui provoque la déstabilisation des dômes. Ces expériences ont tout d’abord mis en évidence la compétition qui existe entre le magma qui pousse à l’intérieur du dôme (en raison de son injection) et la carapace du dôme qui se refroidit et donc durcit et résiste à cette poussée.
Il est logique de penser que, sous cette poussée, la carapace se rompt et que cette rupture pourrait expliquer, dans une certaine mesure, les phénomènes de déstabilisation des dômes. En fait, selon des expériences réalisées récemment, il semble que la rupture ou la déstabilisation se produise selon le rapport entre l’épaisseur de la croûte rigide et la hauteur du dôme encore visqueux. Lorsque la croûte est peu épaisse, elle se craquelle de manière symétrique sur tout le sommet du dôme.
Les blocs désolidarisés bougent alors de manière radiale. Si la croûte est épaisse (par rapport à la partie visqueuse du dôme), elle se fracture de manière brutale et dissymétrique, rappelant les phénomènes d’effondrement.
Expérience montrant la fracturation brutale et dissymétrique d’un dôme de lave à carapace épaisse (© Buisson C., d’après Buisson (2006) modifié)
Les expériences de simulation ont aussi permis de comprendre que le magma subit des mouvements paraboliques à l’intérieur du dôme. On peut aussi distinguer deux zones dans un dôme en croissance :
· Une partie centrale dominée par l’injection du magma provoquant des mouvements ascendants verticaux
· Une zone périphérique où la gravité devient dominante et entraîne des mouvements latéraux et descendants
Schéma présentant les mouvements de la matière à l’intérieur d’un dôme de lave (in Buisson (2006))
L’importance de ces deux zones au sein d’un dôme varie en fonction du débit du magma et de sa durée. Ainsi plus le débit est élevé, plus le dôme croît en hauteur (dôme lisse, dôme rugueux). Avec un débit faible, un dôme croît plutôt en largeur (dôme coulée, dôme étalé).
Conclusion
Les dômes volcaniques sont donc des objets bien plus complexes qu’ils n’y paraissent tant au niveau de leur morphologie que pour les mécanismes qui permettent leur mise en place.
La modélisation a déjà beaucoup apporté à l’étude de ces objets et apportera sûrement encore énormément. Il ne faut cependant pas oublier que cette méthode d’étude est simplificatrice car :
· Les matériaux utilisés ont des comportements mécaniques proches de celui du magma mais il existe certaines différences, même si elles sont mineures ;
· Elle simplifie le plus possible les processus que l’on veut mettre en évidence
· L’on peut s’affranchir (à tort ou à raison) d’éléments jugés parasites
Références
· Bardintzeff J.-M., Volcanologie, éd. Masson, 1998, pp. 236
· Barois P, Guide encyclopédique des volcans, éd. Delachaux et Niestlé, 2004, pp. 416
· Blake S., Viscoplastic models of lava domes, in : Fink J. Ed., Lava flows and domes, Springer-Verlag, Berlin, 88-126, 1990
· Futura Siences, http://www.futura-sciences.com/comprendre/g/definition-dome-lave_453.php
· Buisson C., La modélisation analogique, comprendre les dômes, Eruption N° 10, p. 32-38, 2006