titre:L'archipel des Canaries
auteur:Eric Reiter - Terre et Volcans - Moselle
date:30-09-2016
L'archipel des Canaries
Les îles Canaries forment une destination touristique de premier plan en raison de leur climat et de leurs splendides paysages d'origine volcanique. Elles sont situées dans l'Océan Atlantique au large du Maroc.
Figure 1 : Carte de l'archipel des Canaries (© Université du Nord Dakota)
Cet archipel est composé de sept îles (Lanzarote, Fuerteventura, Gran Canaria, Tenerife, La Gomera, La Palma, El Hierro) qui forment un chapelet Est-Ouest plus ou moins rectiligne (figure 1). Leurs âges vont globalement en décroisant de l'Est vers l'Ouest. Elles ont toutes été volcanologiquement actives lors du dernier million d'années, à l'exception de La Gomera. Quatre d'entre elles montrent des événements éruptifs majeurs dans les cinq derniers siècles (figure 2).
Lanzarote: Photo J. Sintès T&V.
Figure 2 : Le Teide, volcan actif de l'île de Tenerife (© E. Reiter)
Afin de comprendre l'origine de cet archipel, les scientifiques se sont intéressés à la structure des îles et à la composition chimique des laves.
Structure des îles
La connaissance de la structure des îles est importante pour connaître l'origine et l'évolution de l'archipel. Des études ont montré que certaines îles de l'archipel possèdent une structure particulière à 3 bras (figure 3). Cette disposition est très commune dans les cheminées des volcans océaniques. La formation de ces édifices volcaniques se fait en trois étapes :
1. Ascension d'un panache mantellique dans la croûte océanique. Lorsque le panache s'approche de la surface, le magma emprunte le chemin demandant le moins d'énergie. Selon la présence ou l'abscence de faiblesses majeures dans la croûte, il peut y avoir formation de 2 types de structures. Un bras unique traduit l'existence d'une faiblesse préalable, alors qu'une structure à trois bras résulte de la montée du magma dans une croûte sans faiblesse (dans notre cas, seules les îles de La Palma et Lanzarote présente une structure à bras unique). La montée du magma provoque un soulèvement de la croûte qui crée alors une fracture triple où chacun des bras est séparé de ces voisins par un angle de 120°. Les îles d'El Hierro et de Tenerife montrent très bien cette disposition.
Figure 3 : Carte simplifiée du Teide. Les hachures grises montrent les zones de faiblesse préalable de l'île de Tenerife. Les vallées de La Orotava et Guimar ont été formées par d'importants glissements de terrain qui ont pour origine l'instabilité des flancs de l'île. (© Université du Nord Dakota)
2. La remontée du magma le long de ces fractures engendre un volcanisme sub-aérien qui met en place des coulées de lave.
3. Il s'ensuit une extension de part et d'autre de chacune des fractures. Cette extension provoque l'affaissement du sommet de l'édifice volcanique qui forme alors une caldeira, comme celle de Las Cañadas sur l'île de Tenerife (figure 4). De petits cônes satellites se forment le long des zones de fractures.
Figure 4 : Caldeira de Las Cañadas, sur l'île de Tenerife (© E. Reiter)
Composition chimique des laves
Les roches typiques de l'archipel sont de la suite alcaline océanique. Leur nature pétrologique évolue avec le temps dans cette suite vers des éléments plus différenciés.
Les laves présentent des signatures isotopiques qui indiquent une contamination par la croûte océanique. Des morceaux de croûte ont aussi été retrouvés dans les édifices volcaniques, notamment à Gran Canaria.
Modèles suggérés pour l'origine des Canaries
L'origine de ces îles est un sujet débattu au sein de la communauté scientifique. A ce jour, aucune théorie ne fait l'unanimité. Il est communément admis que le volcanisme intra-plaque océanique est relié à un point chaud. Cependant, la longue période d'activité de l'archipel ne colle pas parfaitement à ce modèle. Plusieurs hypothèses ont été développées pour expliquer leur origine :
1. La théorie de la fracture propose l'existence d'une très longue fracture connectant les îles Canaries et les montagnes de l'Atlas. Lors d'une période d'extension, le magma emprunterait ce couloir. Les objections principales à cette hypothèse sont le manque d'évidence d'une telle fracture ainsi que l'absence de volcanisme entre l'Atlas et l'archipel espagnol.
2. La théorie du soulèvement de blocs tectoniques est basée sur l'évidence du soulèvement de différentes sections des îles. Un phénomène compressif engendrant un amincissement crustal serait la principale cause du magmatisme et du soulèvement des blocs formant les îles Canaries. D'occasionnelles diminutions des contraintes tectoniques auraient permis la remontée de magma. Ce modèle a été réfuté car il ne propose pas de mécanisme probant pour la genèse des magmas et n'explique pas la répartition spatiale et temporelle du volcanisme.
3. La théorie du rift des îles Canaries propose une structure régionale d'extension active au Cénozoïque. Les objections à cette hypothèse sont que la lithosphère autour des îles est d'âge jurassique et que les directions des dykes sont différentes dans les states sous marins des différentes îles.
4. Le point chaud classique. Un des problèmes soulevés par ce modèle est que la lithosphère océanique sous les îles Canaries est froide, alors qu'elle est habituellement chaude dans une région de point chaud. Le volcanisme sub-aérien montre une progression irrégulière vers l'Ouest. Certaines îles battent des records d'activité volcanique (depuis 39 MA pour Fuerteventura, par exemple) alors que d'autres montrent un arrêt de toute activité depuis des millions d'années. Contrairement au système de point chaud traditionnel, les îles les plus vieilles (les plus occidentales) ne présentent pas de phénomène de subsidence.
5. Un modèle unifié proposé en 2000 se base sur les théories des points 1, 2 et 4. De la théorie des blocs soulevés, il retient que les îles sont dues à l'action de forces tectoniques compressives. De la théorie de la fracture, il retient le rôle de l'existence d'une fracture régionale pour la mise en place du magmatisme. Du modèle du point chaud, il retient que les îles doivent leur origine à une anomalie thermique.
Cependant, bien qu'encore discutée, l'origine des îles Canaries n'est pas le principal sujet d'étude à l'heure actuelle pour cette région. En effet, un risque de catastrophe naturelle pèserait sur tout le pourtour de l'Océan Atlantique.
Instabilité des îles et risques naturels
Parmi les îles principales formant l'archipel, l'île de La Palma est la plus inquiétante de ce point de vue. En effet, elle comporte un volcan (Cumbre Vieja) très poreux qui pourrait devenir très instable si l'eau contenue dans ces flancs poreux venait à bouillir lors d'une éruption. Le flanc Ouest pourrait alors se détacher pour glisser dans l'océan et entraîner un tsunami.
Les inquiètudes proviennent de la modélisation du phénomène. Des scientifiques britaniques ont calculé que, si cet effondrement se produisait, un mur d'eau de plusieurs centaines de mètres de hauteur s'abatterait sur les Caraïbes, la côte Est des Etats-Unis et une partie de la Grande Bretagne. Cette vague se déplacerait à 720 km/h et ses effets dévastateurs seraient ressentis sur 20 kilomètres à l'intérieur des terres sur le continent américain.
Cependant, ces modèles sont très critiqués par la communauté scientifique par rapport à leur valeur mais surtout en regard de la probabilité de se réaliser. Les tsunamis antérieurs de cet ordre de grandeur se sont tous passés dans des milieux confinés de petite taille. Les dimensions de l'Océan Atlantique laissent supposer que l'énergie du tsunami se dissiperait lors de son trajet.
De plus, toutes ces hypothèses se basent sur le fait que le flanc de l'île de La Palma se détache en un seul bloc. Rien ne dit que, si cela se passe, c'est ce scénario qui se produira.