Les chambres magmatiques
Définition
Des magmas sont émis à la surface de la Terre lors des éruptions volcaniques. Ce magma provient de la fusion partielle de roches du manteau. La fusion partielle est un processus très lent.
On ne peut expliquer :
• d'une part, les grands volumes de laves émis en temps très court pendant une éruption...
• d'autre part, la grande variété de la composition chimique des roches volcaniques par rapport à celles du manteau, de composition très homogène...
que par l'existence d'une grande zone d'accumulation de magma sous la surface du volcan. Cette zone est appelée chambre magmatique (Figure 1) et est située dans l'édifice ou à quelques kilomètres de profondeur sous la surface.
Figure 1 : Coupe schématique d’un édifice volcanique montrant la chambre magmatique
Une chambre de magma se forme à l'endroit où la percolation vers le haut est freinée, et où le liquide s'accumule. Deux interfaces particulières sont des lieux privilégiés :
• base de la lithosphère
• base de la croûte (sous le Moho – limite séparant la croûte du manteau).
Dans l'imaginaire de beaucoup de gens, la chambre magmatique est une énorme poche pleine de magma. Il faut plutôt se la représenter comme une énorme éponge rocheuse. La chambre est reliée à la surface par le conduit volcanique, en général très étroit.
Création de la chambre magmatique
La plupart des volcans possèdent une chambre magmatique. Cependant, dans certains cas très rares, les magmas quittent leurs zones de fusion et atteignent la surface sans modifications majeures de leur composition.
Ainsi, dans la majorité des cas, la montée du magma cesse aux environs de la limite entre le manteau et la croûte terrestre. Cet arrêt peut être dû à l'absence de fractures sus-jacentes, à une baisse de la production de magma ou à une différence de densité trop faible pour permettre la poursuite de la remontée du magma. Le magma stagne alors dans cette zone qui s'agrandit par effondrements successifs pour former la chambre magmatique. Le magma peut y séjourner pendant plusieurs siècles et peut y subir d'importantes transformations physico-chimiques (cf. infra). Il peut dans un deuxième temps, monter dans un réservoir secondaire, plus petit et peu profond qui est alors la dernière étape avant l'éruption. Ainsi des chercheurs italiens ont pu mettre en évidence la présence de réservoir de ce type sous le Stromboli.
Etude des chambres magmatiques
Les chambres magmatiques se trouvent donc en profondeur et sont inaccessibles. De ce fait, elles ont été pendant très longtemps méconnues.
Cependant, les anciennes chambres se sont refroidies et ont cristallisé sous forme de roche à gros cristaux. Elles ont pu ensuite être dégagées par l'érosion comme c'est le cas pour le massif du Skærgaard au Groenland. Ce dernier est un massif elliptique de plusieurs kilomètres de long essentiellement constitué de gabbro. Il présente une stratification des roches, les plus sombres se trouvant à la base et les plus claires au sommet.
En outre, des modélisations ont été effectuées en laboratoire avec des liquides de densités différentes.
Ces deux approches (de terrain et expérimentale) permettent de mieux comprendre les phénomènes physico-chimiques qui ont lieu dans une chambre magmatique.
Evolution d'une chambre magmatique
Selon les moments de sa vie, une chambre magmatique doit être considérée, d'un point de vue chimique, comme un système ouvert ou fermé :
• ouvert (c'est-à-dire que le magma peut faire des échanges avec l'extérieur) lorsque du magma frais entre dans la chambre, ou lorsqu'elle se vidange pour engendrer une éruption
• fermé (sans échange avec l'extérieur) dans les autres cas.
Ces considérations sont importantes pour comprendre les phénomènes décrits ici.
Cristallisation fractionnée
Un magma n'est pas un corps pur, comme l'or ou le fer. Par conséquent, il ne se solidifie pas en masse à une température donnée.
La température de la chambre magmatique est plus faible que celle qui a permis la création du magma. Cette diminution de température est due en grande partie à la plus faible profondeur de la chambre. De ce fait, des minéraux commencent à cristalliser dans la magma. Cependant, ils ne cristallisent pas tous en même temps et leur ordre de cristallisation est déterminé par les conditions de pression et de température qui règnent dans la chambre (Figure 2). On parle de cristallisation fractionnée.
Figure 2: Différenciation par cristallisation fractionnée. On voit ici l’ordre dans lequel cristallisent les minéraux
La cristallisation des silicates dans un magma se fait donc dans un ordre bien défini, selon la suite réactionnelle de Bowen et produit des assemblages minéralogiques différents : ultramafiques, mafiques (riches en Fe et en Mg), intermédiaires et felsiques (Figure 2). Ces quatre assemblages définissent quatre grands types de roches ignées.
Les minéraux qui se forment incorporent préférentiellement certains éléments chimiques qui voient ainsi leur concentration diminuer dans le magma résiduel. Par conséquent, le magma change de composition tout au long du processus de cristallisation fractionnée. Donc, si un cristal grandit assez longtemps, sa composition chimique ne sera pas homogène. Elle présentera des zones concentriques qui refléteront les compositions du magma au moment de sa croissance. Ces zones sont parfaitement visibles, entre autres sur les plagioclases (feldspath contenant du calcium et du sodium) observés au microscope en lumière analysée et polarisée.
Sédimentation et stratification
Les minéraux qui cristallisent dans la chambre magmatique ont généralement une densité supérieure à celle du magma et tombent au fond du réservoir. Donc, les premiers à cristalliser (les minéraux ferro-magnésiens) s'accumulent au fond du réservoir. Ce phénomène s'appelle la sédimentation magmatique. Ces minéraux pourront être remobilisés et se retrouver dans les laves d'une éruption. Ils se présenteront alors sous la forme de masses cristallines sombres appelées cumulats.
Les minéraux clairs moins denses et dont la cristallisation intervient plus tard se rassemblent par flottation au sommet de la chambre.
Mais le liquide lui-même peut se séparer en plusieurs phases sous l'action de la densité et/ou de mouvements de convection dus à des différences de températures dans la chambre magmatique. Il en résulte une stratification magmatique (Figure 3), le contenu du réservoir n'étant plus homogène.
Figure 3 : Intrusion du Skaergaard. Litage dû aux variations de la proportion des minéraux dans chaque couche.
Contamination
Le magma peut aussi incorporer une partie de la roche encaissante. Cette incorporation se fait par fusion, lorsque par exemple une partie du toit du réservoir s'effondre. Si la quantité de roche ainsi assimilée est importante par rapport à la quantité de magma présent, la composition chimique de ce dernier peut être modifiée.
Différentiation magmatique
Par la combinaison des phénomènes décrits ci-dessus, le magma terminal (qui arrivera à la surface lors de l'éruption) peut être très différent du magma originel qui est entré dans la chambre magmatique.
Certains magmas restent ensemble, d'autres peuvent se séparer lors d'une éruption. Dans ce dernier cas, les magmas successifs sont de plus en plus différents du magma primitif. On parle alors de différenciation magmatique.
Les variations chimiques des magmas, lors de cette différenciation, sont bien connues des scientifiques qui distinguent trois chemins majeurs pour aller du magma primitif au magma terminal. Le magma prendra l'un ou l'autre chemin en fonction du contexte tectonique dans lequel la chambre magmatique se trouve. Ces chemins sont appelés séries volcaniques :
• la série tholéitique en contexte d'ouverture. Cette série comprend les basaltes tholéitiques (ou tholéites – riche en silice), des andésites dont la plagioclase est l'andésine et qui contient de la pigeonite (un clinopyroxène calcique), des rhyolites. Cette série se rencontre principalement au niveau des dorsales océaniques. Ainsi, elle constitue le fond des océans;
• la série calco-alcaline en contexte de subduction. Cette série est caractérisée par une teneur en sodium (Na) supérieure à celle en potassium (K). Elle est caractéristique des arcs insulaires et des cordillères de marge active ;
• la série alcaline en contexte intraplaque. Les minéraux caractéristiques de cette série sont l'olivine et les feldspathoïdes avec parfois une clinopyroxène riche en calcium (augite titanifère). Dans les laves acides (trachyte, phonolite) de cette série, le feldspath alcalin est le minéral essentiel. On distingue des roches moyennement alcalines (basalte alcalin, basanite) et des roches très alcalines (néphélinite). Cette série est caractéristique du volcanisme en domaine continental mais on la rencontre aussi en contexte intra-océanique. Elle peut aussi être associée aux autres séries dans les arcs insulaires et les cordillères.
Ces différentes séries peuvent être représentées dans un diagramme chimique (Figure 4)
>Figure 4: Distinction des principales séries volcaniques dans un diagramme (Na2O+K2O)/SiO2
Conclusion
Par conséquent, une chambre magmatique est un système complexe où nombre de phénomènes peuvent modifier le magma primitif pour le transformer en un ou plusieurs magmas.
Références
• IPGP:
http://www.ipgp.jussieu.fr/francais/rub-terre/surface/surface-chambremag.html
• Volcans, JM Bardintzeff, éd. Armand Colin, 154 p.
• Elements de géologie, Ch. Pomerol et M. Renard, éd. Armand Colin, 616 p.
• Evolution magmatologique du volcan Stromboli (arc éolien, Italie) : déductions à partir des éléments majeurs & en traces ainsi que des compositions isotopiques du Sr des laves & roches pyroclastiques., L. Francalanci , P. Manetti, A. Peccerillo, J. Keller (
http://users.swing.be/sw296348/Etna/Stromboli/Petro/Synthese_petro.htm)
•
http://www.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s2/r.ign.html
•
http://ereiter.free.fr/html/roche.htm