titre:Le mont Aso (Japon)
auteur:Eric Reiter - T&V-Moselle
date:20-05-2005 


LE MONT ASO (JAPON)


Le Japon est un arc insulaire issu de la subduction des plaques Pacifique et Philippines sous la plaque Eurasienne. L’archipel du Japon est composé, entre autres, de trois grandes îles : Hokkaido, Honshu et Kyushu, la plus méridionale.

Situé au centre de l’île de Kyushu, le volcan Aso (figure 1), de type strombolien, s’est réveillé en avril 2005, libérant une colonne de cendres et de fumée blanchâtre. Il s’agit de l’un des volcans les plus actifs du Japon, son activité remontant à plusieurs milliers d’années. Il est également à l’origine du plus grand nombre d’éruptions explosives sur terre.

Volcans de l’île de Kyushu

Localisation et contexte géodynamique

Contexte géodynamique général pour le Japon

L’arc insulaire japonais marque la limite entre une croûte continentale et une croûte océanique ancienne (plaque Pacifique). Cette dernière, très dense, plonge sous la croûte continentale avec un fort pendage. L’archipel du Japon est longé par une fosse marine à l’Est et est limité à l’Ouest par des mers marginales (Mer du Japon, Mer d’Okhotsk, Mer de Chine). L’origine de ces mers est due à une distension de la bordure continentale qui entraîne l’apparition d’une nouvelle croûte océanique (du même type qu’au niveau des dorsales). L’archipel est donc divisé géologiquement en Japon du Sud-Ouest et en Japon du Nord-Est par «Fossa Magna», zone de rupture tectoniquement active. La partie du Sud-Ouest est marquée par la présence de la ligne tectonique médiane, importante faille active allant du centre de Honshu jusqu’à l’île de Kyushu (figure 2).

Contexte géodynamique général de l’archipel japonais (Hunter, 1998)

Caractéristiques géodynamiques du volcan Aso

Le volcanisme de l’île de Kyushu est lié à la subduction de la plaque lithosphérique Philippines sous la plaque Eurasienne. Le Mont Aso fait partie d’une chaîne de cinq grandes caldeiras datant du Quaternaire et de 23 petits volcans qui s’étendent selon une direction Nord-Est/Sud-Ouest sur les îles d’Honshu et de Kyushu. Le volcanisme du Mont Aso ressemble fortement à celui du Mont Unzen, situé dans la partie Ouest de l’île (figure 1), c’est-à-dire que le volcanisme d’arc insulaire de cette zone est caractérisé par de larges coulées de lave et des coulées pyroclastiques. Il s’agit d’un volcanisme principalement explosif avec des laves très visqueuses (plus de 60% en poids de SiO2).

La caldeira d’Aso : une structure volcanique particulière

Le sommet d’Aso culmine à 1592 m et se trouve au centre d’une caldeira. Les caldeiras se forment en plusieurs étapes. Tout d’abord, les produits volcaniques sortent de l’édifice par un cratère qui s’élève au fur et à mesure de la construction de l’édifice et s’élargit au cours des éruptions explosives. La grande quantité de produits émis laisse un déficit souterrain qui sera comblé par un effondrement entraînant des dépressions de très grandes tailles appelées caldeiras.

Caldeira d'Aso

La caldeira d'Aso (figure 3) s'est formée lors de quatre éruptions majeures qui ont engendré des coulées basaltiques à dacitiques. Elle contient quinze cônes volcaniques basaltiques à rhyolitiques postérieurs à sa formation (figure 4). Leur activité éruptive remonte à 90 000 ans et ils ont libéré des volumes importants de téphrites et coulées de lave. Actuellement, seul le cratère Nakadake (figure 5), situé dans un cône haut de 1506 mètres, est actif. Il s’agit d’un strato-volcan à andésites basaltiques et basaltes formé avant la caldeira. L’âge de sa première éruption est estimé à 150 000 ans. Pendant les périodes calmes, le cratère de Nakadake est occupé par un lac d’eau chaude pouvant atteindre 100°C au centre. En période d’activité, le volcan éjecte des bombes, des scories ainsi que des cendres et le cratère est asséché.

Un des nombreux cônes présents dans la caldeira d’Aso (© Paul J. Buklarewicz)



Le cratère de Nakadake en activité

Pétrologie du volcan Aso

Les séries magmatiques

Les produits volcaniques issus des nombreuses éruptions du Mont Aso montrent une alternance de coulées basaltiques à dacitiques et de cendres. Des études de terrain combinées à des données géochimiques ont montré que les suites tholéiitiques et calco-alcalines coexistent dans la caldeira : on parle de volcanisme bimodal. Cette alternance, dans les séries magmatiques caractéristiques des volcans d’arcs insulaires, est liée à des processus de cristallisation fractionnée associés à une contamination crustale plus ou moins importante. Ainsi, des changements dans le fractionnement, dans le mélange des magmas et/ou dans le degré de contamination crustale peuvent produire un magma calco-alcalin à partir d’un magma tholéiitique.

La formation de séries magmatiques tholéiitiques et calco-alcalines est principalement contrôlée par la cristallisation fractionnée. A l’intérieur de chaque épisode éruptif, la diversité compositionnelle domine, impliquant une zonation de la chambre magmatique lors de l’étape de formation de la caldeira. Ce phénomène de zonation peut être attribué à un fractionnement dans la chambre magmatique associé à des mélanges de magma à petite échelle. Dans la plupart des cas, l’évolution des séries magmatiques calco-alcalines est attribuée à des quantités plus importantes de contamination crustale. Dans le cas du Mont Aso, les données géochimiques et isotopiques suggèrent au contraire que les séries calco-alcalines ont subi moins de contamination crustale que les séries tholéiitiques.

L’importance des coulées pyroclastiques

De nombreux dépôts pyroclastiques issus du cratère sont distribués autour de la caldeira et leur stratigraphie permet de caractériser les éruptions principales du volcan. Ainsi, les coulées associées au 4e événement éruptif majeur d’Aso, il y a 90 000 ans, illustrent la puissance du volcan par leur épaisseur et la surface recouverte. A 25 km au Nord-Est du volcan, on retrouve une épaisseur de plus de 20 m de dépôts pyroclastiques correspondant aux troisième et quatrième éruptions majeures d’Aso, il y a respectivement 150 000 et 90 000 ans. Le volume des dépôts est d’environ 160 km3 et recouvre une grande partie du centre de Kyushu.
La coulée pyroclastique a atteint la mer et s’est répandue jusqu’à une distance de 150 km à partir de la source. Par ailleurs, des dépôts de cendres associés à la 4e éruption d’Aso se retrouvent sur l’ensemble des îles japonaises. Ainsi, on retrouve une épaisseur de 15 cm de dépôts de cendres sur l’île d’Hokkaido, au Nord-Est du Japon, à environ 1 700 km du volcan. Par conséquent, la puissance destructrice de ce volcan constitue un des risques permanents pour la population de l’île et pour les nombreux visiteurs du cratère.

Risques associés à un type de volcanisme explosif

Toutes les éruptions d’Aso sont associées à des séismes de type A. Ceux-ci se produisent parfois avant et pendant une éruption, et peuvent même avoir lieu lorsqu’il n’y a aucun risque d’éruption. Ce type de tremblement a une origine peu profonde : entre 1 et 10 km. Ils ne sont en général pas responsables de dégâts majeurs en raison de leur faible magnitude.
Les émanations de gaz fréquentes du volcan (sulfures) ont fait de nombreuses victimes depuis 1980 : 71 personnes atteintes dont 7 décès. De ce fait, le volcan est l’objet d’une surveillance intense (signal d’interdiction de la zone, interdiction de l’accès au site si nécessaire) et le sujet de nombreuses études. La puissance destructrice que peut atteindre ce volcan pourrait être à l’origine de nouvelles catastrophes. En effet, entre deux éruptions majeures séparées de plusieurs milliers d’années, les caldeiras ne restent en général pas totalement inactives. La présence de lacs de sulfures dans les cônes de la caldeira d’Aso (figure 7) confirme cette hypothèse.


Lac de sulfures d'un cratère du Mont Aso


Activité récente

Du 5 au 20 août 2002, un grand nombre de petits événements sismiques sont enregistrés (335 par jour). La température du versant sud du cratère est très élevée et varie entre 307 et 314°C. Du 9 au 15 juillet 2003, la couleur du lac passe du vert au gris. Une secousse de faible amplitude entraîne une éruption phréatique ainsi que l’émission de boues allant jusqu’à 10 km du cratère. Du 23 au 29 juillet 2003, des signaux sismiques sont associés à des éruptions phréatiques.
L’eau du cratère change de couleur, atteint 76°C avant de s’évaporer. Puis une éruption strombolienne s’ensuit entrecoupée d’explosions phréatiques.

Le 14 avril 2005, une petite explosion s'est produite. Elle a engendré un panache de 200 m de haut et des cendres se sont déposées autour du cratère. Cette explosion s'est produite après plusieurs centaines de petits séismes qui ont secoué la région pendant deux semaines.

Conclusion

Le volcanisme du Mont Aso présente toutes les caractéristiques liées à son contexte géodynamique. La subduction d’une croûte océanique au niveau de l’île de Kyushu, sous une croûte continentale aboutit à la formation d’un arc insulaire. De nombreux volcans actifs jalonnent ainsi cette zone, et les données pétrographiques montrent une alternance des séries magmatiques calco-alcalines et tholéiitiques. La contamination crustale et les processus de cristallisation fractionnée dans la chambre magmatique sont à l’origine d’une grande diversité de compositions et du passage d’une série magmatique à l’autre. Le Mont Aso se distingue également par sa puissance destructrice. Les éruptions majeures de ce volcan conduisent à des dépôts pyroclastiques d’une épaisseur considérable et les émanations de gaz sulfuré représentent un danger direct pour l’homme.

Références
· HUNTER A.G (Juillet 1998). Intracrustal controls on the coexistence of tholeiitic and calc-alkaline magma series at Aso volcano, SW Japan. Journal Of Petrology, volume 39 (7), p1255-1284
· http://volcano.und.nodak.edu/vwdocs/volc_images/ north_asia/japan_tec.html
· http://volcano.und.nodak.edu/vwdocs/volc_images/img_aso_japan.html
· http://volcanoes.usgs.gov/


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