lien:http://www.alaingerente.com
Merci à Alain Gérente, cinéaste Scientifique, vivant à l'île de la Réunion depuis plus de 25 ans.
Voir sur son site en "lien", toutes ses réalisations cinématographiques et sa passion pour les volcans.
Alain Gérente - éruption 2004 -
Voilà les dernières nouvelles de l'éruption qu'il nous a envoyées :
La dernière activité du Piton de La Fournaise s'est achevée mi-octobre, aussi la reprise de la sismicité le 4 février 2005 n'a étonné personne.
En effet les réveils de notre volcan se succèdent à des intervalles voisins de 4 mois ( les derniers en date : décembre 2002, juin 2003, août 2003, décembre 2003, éruption de 24 heures en janvier 2004, puis mai 2004, août-septembre 2004).
A partir du 4 février dernier on enregistra chaque jour de 10 à 50 séismes de faible intensité, mais un gonflement progressif de la zone sommitale amenait l'Observatoire à penser, le 17 au matin, que l'éruption devrait se produire au cours des jours suivants, plutôt vers le Nord de l'Enclos, car le gonflement était centré vers La Soufrière.
En ce début d'après-midi du 17 février, une première crise sismique (plus d'une centaine d'événements) amenait l'Observatoire à déclencher l'alerte n° 1. Puis, après un calme de 2 heures, vers 17h30 la crise intrusive commençait, annonçant l'imminence de l'éruption.
Normalement cette crise est de courte durée (de 30' à 90') lors d'une éruption en zone sommitale.
Elle est plus longue lorsque le magma, qui au départ progresse verticalement, change de trajectoire une fois parvenu à quelques centaines de mètres de la surface.
Ce fut le cas ce soir là. Vers 19 h la crise intrusive continuait et l'analyse des séismes indiquait que le magma migrait au Nord vers le Nez Coupé de Sainte Rose et la Plaine des Osmondes.
Aux alentours de 20h30, l'apparition d'un "trémor" - bruit sismique permanent - signait le début de l'éruption.
Depuis plusieurs jours La Réunion subissait des pluies diluviennes et de violents orages et, ce jour-là, pour la 1ère fois depuis plusieurs années, tous les accès à Saint Denis depuis l'Ouest de l'île étaient coupés (route du Littoral et route de La Montagne), mais une amélioration de quelques heures se dessinait le soir sur la zone du Volcan.
Vers 21 heures les lueurs de l'éruption se reflétant sur la couverture nuageuse, étaient visibles de toute la moitié Est de l'île.
Mais le temps se gâtait très vite de nouveau et il fallut attendre plusieurs heures avant de réaliser que la zone éruptive se situait probablement entre 1300 et 1700 mètres d'altitude sur les pentes Ouest de la Plaine des Osmondes.
Eruption 2004 - Photo Alain Gérente
Les différentes coulées émises se rejoignaient vers 1000 mètres d'altitude, et vers minuit, attaquaient les dernières pentes raides au dessus de "la Route des Laves" qui traverse le Grand Brûlé.
Vers 3 heures du matin cette nuit là, le front de coulée stoppait vers 350 mètres d'altitude à 2 kilomètres de cette route. Un peu plus d'une heure suffisait à rejoindre le front de la coulée et les premiers "afficionados" atteinrent ce front au lever du jour.
La fissure éruptive bien que située à 6 km était parfaitement visible depuis la plus grande partie de la Route des Laves.
Ce vendredi 18 février, un temps cauchemardesque régna de nouveau sur la plus grande partie de l'île. Paul Edouard De Lajartre (photographe : voir son site dans nos "liens") et moi, nous eûmes beaucoup de difficultés à rejoindre en hélicoptère le site de l'éruption, le pilote devant suivre la côte à basse altitude, la visibilité étant très réduite à cause des fortes pluies.
Nous avons atteint le site de l'éruption (la seule zone de l'île un peu dégagée) vers 18 heures, 2 bouches éruptives étaient encore très actives et donnaient naissance à 2 coulées qui restaient fluides pendant 4 kilomètres, jusque vers 800 mètres d'altitude.
Le front des coulées qui n'était plus guère alimenté avait stoppé dans la journée à 1500 mètres de la route.
Nous avons pu filmer et photographier l'activité éruptive pendant une demi heure avant d'être chassés par la pluie, le vent et la nuit.
Le "trémor" provoqué par l'éruption indiqua que l'activité éruptive faiblit nettement cette nuit là et le samedi 19 au matin, d'après des témoins qui observaient le phénomène aux jumelles depuis "la route des Laves", il n'y avait plus qu'une seule bouche éruptive.
Les dernières informations qui nous sont parvenues ce dimanche montrent que, même s'il n'y a personne sur le site, la persistance d'un léger trémor indique qu'une activité résiduelle très faible doit se maintenir.
Il faut noter qu'une importante activité sismique s'est maintenue le vendredi 18, ce qui n'est pas très habituel, probablement due à un réajustement de la zone sommitale suite à la violence des premières heures de l'éruption.
Le samedi 19 des déformations ont été enregistrées en zone sommitale vers la Soufrière, peut-être dues aussi aux mêmes causes, et ce dimanche il y a toujours une sismicité résiduelle.
Egalement à noter, les laves émises contiennent beaucoup d'olivine, il s'agit probablement d'une coulée d'océanites, indication qu'il s'agit d'un fond de réservoir magmatique.
2 explications possibles : soit l'arrivée d'un magma profond a poussé la base d'une poche magmatique vers la surface, soit pour diverses raisons "ce fond" s'est trouvé entraîné vers la surface (brassage violent, ou fissure située à la base de la poche magmatique).
Il y a beaucoup de "peut-être" dans ce récit, mais il est encore trop tôt pour que l'Observatoire puisse tirer des conclusions définitives de cette phase éruptive.
Les diapos prises par Paul Edouard (http://www.delajartre.com) seront développées demain lundi et scannées mercredi.
Elles seront en ligne à partir de jeudi.