LE MARTIN-PÊCHEUR (ALCEDO ATTHIS)
Le soleil est déjà haut, l’éclairage est parfait pour réaliser les photos des oiseaux visitant ce milieu calme, enchanteur. Le biotope comprend une mini zone marécageuse, point de rencontre d’un petit étang et d’un ruisseau torrentueux bordé d’aulnes.
Je suis masqué par un roncier, téléobjectif prêt à fixer sur la pellicule les attitudes des visiteurs ailés.
Dans un massif de phragmites communs bordant l’étang, le chant répétitif de la Rousserolle effarvatte égaie le silence du lieu. La Fauvette des roseaux se déplace dans les hampes faiblement agitées par un souffle imperceptible. Une superbe Poule d’eau au front rouge apparaît soudain dans une touffe d’iris jaune d’or. Le cliché est facile, l’oiseau est surpris mais non inquiet. Un chant éclatant et gaillard retentit sur la berge opposée, très escarpée du ruisseau, il s’agit du petit roi nichant sous les racines suspendues, le Troglodyte mignon. Soudain une flèche bleue file, scintillante au ras de l’eau. L’oiseau aux couleurs exotiques se poste sur une branche qui surplombe le courant : le Martin-pêcheur (Alcedo atthis) est à l’affût.
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Espèce à large répartition paléartique, ne l’ai-je pas photographié en Inde du Sud, au lac Périyar, dans la province du Hérala (le 23.01.1996). Le Martin-pêcheur est le seul représentant de sa famille sur notre continent.
La carte de répartition hivernale ne laisse apparaître que peu de zones d’absence (systématique). Bien que largement répandu en hiver, les effectifs ne sont jamais élevés. La répartition en période de nidification se superpose aisément à son aire de présence en hiver. Les mouvements de dispersion des jeunes sont parfois considérables, alors que les adultes sont généralement sédentaires. De plus, des migrateurs nordiques viennent compléter les effectifs locaux. La zone de nidification le montre présent dans tous les départements.
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L’espèce apparaît toujours brusquement à l’observateur surpris par un trait bleu turquoise qui jaillit avec un cri strident avant d’aller rejoindre son perchoir, branche de saule ou tige de roseau à proximité de l’eau. Le bec en poignard aux proportions redoutables est impressionnant (moitié de la longueur de la tête 35 à 40 mm pour 75 mm
Le dessus bleu vert brillant contraste avec le dessous roux orangé. Des tâches blanches ornent le menton et les côtés du cou. Les pattes, très courtes, sont rouge orangé. Les deux sexes ont une livrée identique.
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La nourriture consiste essentiellement en poissons (alevins, vairons, goujons). Parfois de jeunes batraciens, lézards, insectes et larves aquatiques peuvent compléter le régime alimentaire. Les adultes capturent des poissons de 4 à 7 cm de long. La consommation journalière est estimée à 20 g par jour et par oiseau, soit environ 10 poissons.
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A la fin de l’hiver les Martins-pêcheurs se rencontrent sur les sites de nidification et commencent à parader. Les vols nuptiaux sont des poursuites rapides avec des cris aigus. Dès le début de la couvaison, une très grande discrétion est alors de rigueur.
Il creuse un tunnel de près de 1 m, le plus souvent à proximité de l’eau, dans une berge abrupte constituée d’un sédiment meuble. Les deux partenaires participent au creusement.
Au fond du terrier les œufs, le plus souvent 6 parfois 7, blanc–luisant, et ronds, sont pondus dans la chambre sur une couche de réjection (Pelote de réjection: boulettes recrachées par l'oiseau, contenant des matières non digérables)
Généralement, on envisage deux couvées (avril-mai et juillet-août).
Les éclosions ont lieu 24 à 27 jours après la ponte du premier œuf et les poussins sont élevés par les deux parents durant 23 à 27 jours. Dans l’obscurité, les becs des jeunes se tendent grand ouverts en direction du parent qui entre. Le poisson est tenu par la queue pour être introduit, la tête la première dans le gosier des oisillons
A la sortie du terrier, les jeunes se perchent à proximité du nid. Ils sont très vite capables de pêcher seuls, surtout si la femelle a entrepris une autre nichée. Une fois la nidification terminée, les adultes quittent ordinairement les lieux, mais leurs déplacements semblent plus limités que ceux des juvéniles. Même lorsqu’ils se déplacent assez loin, il semble qu’ils soient fidèles à leur site de nidification.
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Le mois de décembre est riche, puisqu’il regroupe 32 % des contacts avec l’espèce ; le mois d’août est aussi souvent cité mais très certainement parce qu’il correspond au suivi d’une nidification sur un ruisseau connu.
En effet, le 6 août 1984, je procède à l’installation d’un filet japonais perpendiculairement au cours du ruisseau afin de tenter la capture d’un éventuel nicheur. Un adulte est capturé et bagué et rapidement le nid est découvert, situé sur la berge gauche du ru, mini-falaise, aux 2/3 au-dessus de l’eau. L’orifice est bien camouflé, par une végétation herbeuse dense.
Les jeunes sont encore au nid, cris et déjections en sont la preuve. Le 9 août, les nourrissages sont intensifs. Le 11, les va et vient des parents sont toujours actifs. Des cris sont perceptibles mais les jeunes ne sont pas visibles à la lampe de poche.
En effet, le tunnel présente un léger coude. L’oiseau a certainement rencontré un galet ou une zone plus dure lors des travaux de creusement.
Trois filets sont installés, l’un à 45° devant la niche, le second perpendiculairement au lit et le troisième, plus en amont. Très rapidement 3 adultes sont capturés (1 dans chaque filet), 2 correspondent au couple nicheur (l’un des conjoints est bagué depuis le 6 août), le 3ème individu niche peut-être en amont ? Les trois sujets poursuivent leur vie libre, porteurs d’une bague MUSEUM PARIS.
Après capture au filet, l'oiseau est bagué, pesé et relaché dans la nature.
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Bien que répandu, le Martin-pêcheur demeure un nicheur assez rare. Les densités ne sont jamais très élevées. La production de nombreux jeunes doit être considérée comme un facteur clé de la dynamique de l’espèce.
Le froid l’éprouve, le gel des eaux douces lors des hivers rigoureux lui est fatal. A la suite d’une saison rude, les nicheurs peuvent devenir très réduits. Après l’hiver de 1984-1985, les effectifs semblent rétablis, dès 1990. Il suffit d’une gelée tardive, d’une crue estivale importante ou d’un été pluvieux pour que la production de jeunes soit dramatiquement réduite. La mortalité des adultes reproducteurs est très forte d’une année sur l’autre.
Le facteur essentiel qui conditionne la nidification de l’oiseau demeure cependant l’existence de berges appropriées au creusement d’un terrier. Il s’adapte très mal aux aménagements modernes de nos rivières ….
Michel BOUILLOT
Croquis et photos: Michel Bouillot
Bibliographie
- Atlas des oiseaux nicheurs en France
D. YERTMAN – BERTHELOT et G. JARRY – Société Ornithologique de France (1994)
- Les oiseaux du Morvan
Michel BOUILLOT et Henri GAUTHERIN –
Académie du Morvan (1980)