titre:Volcanisme dans le LUBERON (DEFINITION DES ROCHES)
auteur:Christine Baume du PNRL
date:22-07-2017
En 1977, Jean-Paul SYLVESTRE qui travaillait sur sa thèse de géologie
« Etude hydrogéologique de la montagne du Luberon » découvrait
un affleurement de roches très particulières sur la commune de Peypin
d’Aigues, sur le coteau de Pierre BLANCHE.
Cet affleurement avait été
mis à jour lors du creusement de la piste qui relie le hameau des Dônes
à la Bastide du Bois, tracé une quinzaine d’années auparavant mais
aucun géologue ne l’avait repéré jusque là.
Il faut dire que l’affleurement, visible sur le rebord du talus de la piste ne
mesure que quelques m² et n’est pas très spectaculaire.
Mais il s’agit là
de roches volcaniques, ce qui est tout à fait extraordinaire et unique
dans le Luberon.
Pour comprendre cela, faisons un petit rappel de géologie.
Il existe trois catégories de roches :
• les roches magmatiques proviennent du refroidissement d’un magma,
elles sont soit volcaniques (type basalte) quand elles s’épanchent
à la surface lors d’éruptions, soit plutoniques lorsqu’elles refroidissent
lentement en profondeur (type granite)
• les roches métamorphiques correspondent à d’anciennes roches
enfouies en profondeur, soumises à des températures et pressions très
élevées et qui se sont transformées en d’autres roches (type ardoise,
gneiss)
• les roches sédimentaires se forment à la surface de la Terre, par dépôt
de sédiments au fond de la mer, d’un océan ou d’un lac, sédiments
le plus souvent arrachés par l’érosion aux reliefs, transportés, déposés
et consolidés.
Le massif du Luberon, ainsi que les Monts de Vaucluse, Ventoux, Lure,
bassin d’Apt, Pays d’ Aigues, plaine de la Durance sont presque entièrement
constitués de roches dites sédimentaires, calcaires, argiles,
marnes, grès, gypse, silex… la seule exception étant à Peypin d’ Aigues.
L’affleurement se repère par sa couleur jaune-orangé. Sa limite ouest est
très nette, soulignée par une zone de cuisson, rougie et une croûte noire
basaltique peu épaisse. On y trouve des blocs de basalte, de couleur
noire et souvent très altérés. Au microscope, ce basalte contient de gros
cristaux d’olivine et de pyroxène.
Bien sûr, la présence de cette roche issue du manteau terrestre au
milieu de roches sédimentaires a toujours intrigué les géologues.
En 2011, une équipe de géologues de l’Université d’Aix-Marseille avec
l’aide du Parc Naturel Régional du Luberon a entrepris d’étudier cet
affleurement. Les résultats préliminaires de pétrographie et de géophysique
(par tomographie de résistivité électrique) montrent qu’il s’agit des
restes d’un volcan de type surtseyen.
L’activité de ce type de volcan a été observée pour la première fois à
Surtsey, au sud de l’Islande, en 1963. Ce phénomène éruptif, désigné
par les spécialistes par le terme plus général d’hydrovolcanisme, est
lié à un magma qui rencontre de l’eau lors de son déplacement en
direction de la surface. L’interaction eau-magma peut avoir lieu soit en
profondeur (au niveau d’une nappe phréatique ou dans une faille) soit
à la surface (océan, mer, lac, glacier).
L’analogie avec d’autres sites (Velay, Islande, basaltes océaniques) indiquent
que l’éruption du Luberon a eu lieu sous une tranche d’eau. La
rencontre explosive entre le magma et l’eau pulvérise la lave. Refroidi
très brutalement, le liquide basaltique se fige et éclate en petites esquilles
vitreuses, les hyaloclastites. Le verre s’altérant très facilement, il est rapidement
transformé en produits jaunâtres, la palagonite. Le coeur des
éléments les plus volumineux conserve une couleur noire.
Le volume de lave émise a probablement été faible car il n’y a pas de
coulée associée.
Le problème de cette mystérieuse anomalie était en partie résolu. La
présence de grenat permet même de préciser que cette roche provient
d’une profondeur supérieure à 80 km.
Mais il restait encore des questions à résoudre, comme par exemple
l’âge de ce volcan. Il est plus récent que les roches qu’il recoupe (de
-135 à -130 millions d’années).
Dans la région, il existe 3 autres pointements volcaniques ; à Rougiers
près de St Maximin, au Rocher de l’Aigle à Toulon (1)(Voir article sur le volcan du Beausset 83 en date du 23.03.2012) et à Beaulieu, près
de Rognes.
Celui-ci a émis une coulée qui a été datée du Miocène (18,5
millions d’années).
En 2013, de nouveaux travaux étaient entrepris sur ce site toujours
avec l’Université d’Aix-Marseille et le CEREGE (Centre Européen de Recherche
et d’Enseignement des Géosciences de l’Environnement), situé
à l’Arbois aux Milles. Un forage était effectué avec une « mini »foreuse
fonctionnant avec un groupe électrogène. Ce forage d’une douzaine
de mètres de profondeur permettait de recueillir des échantillons sains,
les premiers mètres de l’affleurement étant très altérés. Leur étude est en
cours et devrait nous apporter des informations sur notamment sur l’âge
de ce volcanisme.
Nous reparlerons du volcan de Peypin d’Aigues !
Jean-Jacques COCHEME (2011) – Découverte d’un volcan surtseyen
dans le massif du Luberon – Courrier scientifique du PNRL, n° 10, p
134-137
(1)Voir l'article de Jacques Sintès sur le volcan du Beausset (83) du 23/3/2012 rubrique "Articles"