Compte rendu de la sortie géologique à la caldeira de Maurevieille
dans les Alpes Maritimes, le samedi 29 octobre 2009
Maurevieille, un volcan exceptionnel
par Gisèle de Lorenzi, T&V -83 -
A la fin de l’ère primaire, au Permien, (- 290 millions d’années environ ), le site de Maurevieille fût le théâtre de bouleversements volcaniques extraordinaires. En effet, ce volcan, en majeure partie, a édifié le massif de l’Estérel, durant ses 60 millions d’années d’existence. Actuellement ce massif compte une superficie de 320 Km2 environ.
(Rappelons-nous que la Corse, qui était attachée au continent, comprend dans sa partie occidentale des éléments géologiques de ces épanchements). Le détachement du bloc Corso Sarde, a eu lieu il y a environ 20 millions d’années, au miocène du Tertiaire.
Aux vues de ce que l'on peut observer actuellement, on peut supposer une chronologie comme suit :
Au début, c'est une période de distensions dues à des mouvements tectoniques qui eurent pour effet de produire de nombreuses fissures dans sol et sous-sol jusqu'au réservoir magmatique, renfermant une lave en fusion qui s'écoule par épanchement en surface. C'est un volcanisme fissural.
L'activité du volcan débute alors par par une émission de conglomérat correspondant au substratum. On y trouve des roches très variées visibles au début de la piste des "œufs de bouc". L'activité se poursuit par le débourrage de la cheminée ; cette phase est explosive et elle projette un mélange de lave et de roches arrachées au socle hercynien, en particulier du gneiss. On observe des "œufs de bouc", blocs de gneiss enchâssés dans de la rhyolite avec une couronne de métamorphisme de contact suite à l'intense chaleur de la lave.
- c'est ensuite une émission de lave alcaline de trachyandésite B1, pauvre en silice (SiO2 ,< à 60%), donc fluide, présente dans la carrière de l'Avellan.
- suit une émission de lave basique, la dolérite, roche de couleur grise à noire,
massive et compacte, composée de plagioclases et de pyroxènes, cette roche est
visible dans le Reyran.
- une autre coulée acide s'annonce, se répandant sur une grande surface : ce sont
des rhyolites (coulées A1 jusqu'à A15), riche en silice (> à 60%), roche à
structure microlitique correspondant à un refroidissement rapide. De couleur
claire, cette roche vire au rouge, voire au violacé, par altération du fer ( Fe2O3 ).
Datées de 270 millions d'années, des émissions de pluies chaudes forment, par accumulation de laves (rhyolite et dacite) soudées à chaud. Roches d'aspect
"pierres ponces", ou de lave un peu fluidale ; ce sont des ignimbrites (du latin
pluie et feu), en coulées épaisses et bien cristallisées (A2, A5,A7,A8), visibles encore dans le Reyran, au Mont Vinaigre et à Maurevieille (dyke* du Mont Marsaou, les Suvières, les grosses Grues) A5 visible dans la partie sud du Mont Saint Martin et au Col des 3 Termes. A6 est présente en lambeaux de coulée au Mont Pelet.
La deuxième manifestation est aussi une phase explosive avec déferlantes basales, nuées ardentes, brèches etc…. Le gaz emprisonné dans la lave se libère brutalement et provoque des projections de laves et cendres qui vont édifier le stratovolcan, caractéristique du volcanisme strombolien, alternance de coulées de lave et des couches pyroclastiques (projection de blocs, lapillis et cendres). La carrière de basalte est le principal témoin de cette activité. Les bulles de gaz que l'on distingue sur les flans du Mont Pelet sont des bulles de dégazage formant des cavernes plus ou moins conséquentes dans le massif bréchique.
Photo : de Lorenzi.
Une gigantesque explosion pulvérise l'ensemble du stratovolcan, laissant une ouverture béante et forme une caldeira (chaudron), de deux Km de diamètre.
Troisième phase : pyromidale (- 250 millions d'années) : le magma dégazé et refroidi exerce une poussée qui fait émerger une lave visqueuse caractérisée par sa fluidalité, c'est la coulée siliceuse A11, la texture de la roche est microlitique se débitant en plaquettes, caractéristiques au Mont Vinaigre et à Maurevieille. Une autre coulée se répand, c'est la coulée A13, du type trachyte massive et très dure de couleur rouge orangé, elle est quarzifère. Elle correspond à des cheminées volcaniques, on retrouve cette coulée à la plage Sainte Lucia, batterie des Lions Saint Raphaël.
Le poids du dôme est énorme. Le volcan est vidé de sa lave et par un effet de
subsidence, le dôme s'enfonce dans la chambre magmatique. L'effondrement a été estimé à 300 mètres de profondeur, selon M. Boucarut.
Entre toutes ces phases d'activités, diverses formations se sont mises en place dont la formation rPx dite des "pradinaux", qui se présente sous la forme d'une brèche basique très hétérogène (grés et galets micacés), elle recouvrait le dôme avant son effondrement, celle-ci remplit actuellement le fond de la caldeira.
La dernière manifestation correspond à la mise en place de necks* dans la partie centrale de la caldeira par intrusion, puisque ces necks traversent le remplissage rPx.
Photo: de Lorenzi.
L'effondrement du dôme a engendré une fissure dans la rhyolite A11, identifiable par son faciès de surface, de 3 mètres de largeur, 30 mètres de profondeur. On peut la suivre sur 100 mètres environ, c'est une zone très dangereuse. Cette faille est une discontinuité de terrain qui a servi à la circulation de fluides hydrothermaux avec dépôt de fluorite, baritine, pyrite. Le filon a été exploité sur 4 nivaux de 400 mètres de long et 250 mètres de haut. Cette mine a été en activité de 1958 à 1976 et a produit 80.000 tonnes de spath fluor. A proximité, un petit ruisseau nous a livré quelques débris de verres colorés provenant de l'ancienne verrerie voisine de la mine.
Nous remercions Thierry de Gouvenain (T&V - 06) Maurice Moine, Gilbert Voli, géologues qui nous ont accompagnés durant le parcours de 9 Km effectué à Maurevieille,
avec compétence et gentillesse.
* neck (cou, en anglais), masse de roche magmatique, souvent bréchique, de
forme conique ou cylindrique (remplissage de cheminée volcanique
recoupant l'encaissant et laissée en relief par l'érosion).
* dyke (digue, en anglais), lame épaisse de quelques dizaines ou centaines de
métres de roche magmatique recoupant les structures de l'encaissant.
Elle peut donner un relief de mur.
Références : Site internet de Maurice Moine "géologierandonneurs.fr"
Dictionnaire de géologie A. Foucault et J.F. Raoult Ed. Masson 1997