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titre:Excursion Géologique en Baie de St-Brieuc
auteur:Jean-Marc VALERE étudiant en géologie - Membre de Terre et Volcans (78)
date:09-05-2012 


Compte rendu d'un voyage de Terre et Volcans dans les côtes d'Armor.




Vue du phare de Cap Fréhel (Photo J. M. VALERE)



Jean Marc VALERE, étudiant en géologie à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI)


Remerciements.



Je souhaiterais avant toute chose remercier Jacques Sintès de s’être autant investi dans la préparation de ce voyage en Bretagne. Merci de nous avoir permis de visiter des sites à la fois très riches et très intéressants sur le plan de l’histoire géologique et volcanologique de la Bretagne.

Merci également aux deux conseillers scientifiques, Charles Frankel et Michel Guillaume, ainsi qu’à Blandine Magnette, directrice de la ‘‘Maison de la Baie’’ à St-Brieuc, d’avoir rendu possible l’accès à certains sites et d’avoir eu la gentillesse de se rendre disponible pour retracer l’histoire de l’évolution des reliefs visibles en baie de St-Brieuc.

Enfin je voudrais dire un grand merci aux membres de l’équipe qui, grâce à leur complicité et à leur bonne humeur débordante, ont contribué à rendre très agréable ce magnifique voyage.

Sommaire.


I- Introduction.
II- Le Pentévrien (2500 Ma – 1000 Ma).
III- Le Briovérien (1000 Ma – 543 Ma).
IV- Le Cambrien (543 Ma – 500 Ma).
V- L’Ordovicien (500 Ma – 435 Ma).
VI- Le Silurien (435 Ma – 410 Ma).
VII- Le Dévonien (410 Ma – 360 Ma).
VIII- Le Carbonifère (360 Ma – 295 Ma).
IX- Transition vers l’ère Quaternaire.
X- Le Quaternaire (1,8 Ma – aujourd’hui).
XI- Conclusion.

XII- Bibliographie.
XIII- Glossaire.
XIV- Tableaux des périodes géologiques.
XV- Carte des lieux visités.
XVI- Cartes géologiques de la Bretagne.
XVII- Classification des roches.
XVIII- Ordre de cristallisation des minéraux.


I- Introduction.



Ce voyage en baie de St-Brieuc nous a permis de fouler les terrains les plus anciens présents sur le territoire français. Nous avons pu constater le résultat de l’interaction entre paléogéographie, paléoclimatologie et paléobiodiversité. Nous avons également observé de façon détaillée l’évolution des reliefs au cours de la fin de la période protérozoïque et d’une grande partie de l’ère paléozoïque. Nous avons pu aborder le fonctionnement des mécanismes sédimentaires, volcaniques, plutoniques et tectoniques qui sont communément utilisés aussi bien en géologie qu’en volcanologie.

Dans un souci de logique et de clarté des explications des processus d’édification des paysages qui nous sont désormais familiers, cet article est construit de façon chronologique par rapport aux périodes géologiques et non pas par rapport à l’ordre des visites des sites.

D’autre part, les lieux que nous avons visités au cours de ce voyage ne nous ont pas permis d’aborder la géologie de la Bretagne au cours des ères secondaire et tertiaire. En conséquence, j’évoquerais uniquement l’ère précambrienne, l’ère primaire en grande partie, ainsi que l’ère quaternaire.

Les cartes géologiques qui me permettent d’illustrer mes propos montrent les affleurements rocheux actuellement visibles. Enfin les termes suivis d’un astérisque sont expliqués dans le glossaire placé en fin de document.

NDLR: Cette excursion et son compte rendu étant particulièrement riche, nous avons décidé de sélectionner pour, le moment, le chapitre V-L'ordovicien. Nous mettrons en ligne, plus tard, les autres chapitres.
Vous pouvez également nous contacter si vous désirez en avoir l'intégralité.



- V L'ORDOVICIEN (500 Ma - 435 Ma).





Le pic de volcanisme qui s’est produit au Cambrien a libéré des quantités importantes de gaz volcaniques. Le climat ordovicien devient tropical.

L’océan Panthalassique reste présent, tandis que l’océan Paléo-Téthys s’ouvre progressivement et que l’océan Iapetus se referme. Le cycle orogénique Calédonien s’amorce. Cette chaîne montagneuse s’édifie à mesure que l’océan Iapetus disparaît. La Laurentia est à présent située sur l’équateur et Sibéria est passée dans l’hémisphère nord. Le micro-continent Avalonia regroupant le sud de Terre-Neuve, le sud de la Nouvelle-Écosse, le sud de l’Irlande et l’Angleterre, se sépare de Baltica en provoquant l’ouverture de la mer de Tornquist. L’altération des basaltes liée à l’ouverture de cette mer provoque une glaciation de courte durée, fin Ordovicien, centrée sur le Gondwana. Des traces sont aujourd’hui visibles : roches striées par l’avancée d’un glacier, tillites* et conglomérats correspondant à la fossilisation de moraine ou de dépôts fluviaux de blocs rocheux libérés par la fonte des glaciers.

Sur le plan de la biodiversité, tous les groupes d’invertébrés sont développés. Les organismes récifaux bryozoaires*, tabulés*, stromatoporidés* ainsi que les formes articulées des brachiopodes, les bivalves, les chitinozoaires, les radiolaires* et les céphalopodes sous la forme d’orthocônes, font leur apparition. Les échinodermes se diversifient avec l’apparition des crinoïdes et des blastoïdes. Ces derniers étaient structurés comme des plantes, avec des racines ou des crampons qui les maintenaient sur les fonds marins, une tige articulée et un calice sur lequel des tentacules étaient fixées. Du développement des biohermes naissent les premiers dépôts de calcaires récifaux. L’étagement des organismes récifaux s’effectue suivant un ordre précis. Les organismes qui s’installent le plus en hauteur sur les pentes du platier continental, sont les rugueux, parce qu’ils sont massifs et sont plus résistants à la force des courants océaniques de surface. Puis c’est au tour des tabulés de venir prendre place plus en aval. Enfin, les stromatopores (éponges calcaires) et bryozoaires (mousses aquatiques calcaires) colonisent les biohermes à des profondeurs plus grandes correspondant à des zones de courants océaniques plus calmes. Enfin, le développement à grande échelle de la vie endofaunique, c’est-à-dire à l’intérieur des sédiments océaniques, apparaît il y a 500 Ma.

Un événement sans précédent va se réaliser durant la période ordovicienne. Désormais, les mécanismes qui contrôlaient le climat et la biosphère seront modifiés. Pour la première fois dans l’histoire de la Terre, des organismes vivants réussissent à s’établir hors de l’eau, sur un sol continental, de façon définitive. Il aura fallu attendre environ 2,2 milliards d’années depuis que des faunes vivantes existent, pour que la colonisation des continents par des organismes ait lieu avec succès. Les premiers indices de la vie continentale sont des restes végétaux, et plus précisément des spores de bryophytes, datés de 500 Ma. Ces mousses, au système racinaire peu développé, ont su s’adapter à un milieu très vite desséchant et où la pesanteur domine. Ce sont ces végétaux qui ont contribué à rendre les sols meubles et riches en nutriments. En fertilisant les sols, ils ont permis la colonisation des continents par les plantes.

La France désormais plongée entièrement sous les eaux de l’océan Paléo-Téthys, a dérivé sous le 60e parallèle de l’hémisphère sud. A l’ordovicien moyen, la lithosphère Paléo-Téthysienne qui s’enfonçait jusqu’alors sous le Gondwana et en particulier sous la France, crée un déséquilibre thermique et chimique à l’origine de la remontée de matériel mantellique. A la manière d’un point chaud, ces diapirs* provoquent l’ouverture d’un bassin d’arrière-arc par déstabilisation des terrains continentaux gondwaniens et notamment du domaine sud.

On retrouve des traces du volcanisme sous-marin daté de 482 millions d’années, au nord de la Bretagne (voir annexe 4-5 : Géologie ordovicienne de la Bretagne, p.60). La ville d’Erquy, et donc le site de la Pointe de la Heussaye, était à cette époque immergée dans les eaux Paléo- Téthysiennes.


Pointe de la Heussaye. (Cliché J.M. Valère)





Carte géologique simplifiée de la Heussaye. (d’après C. Frankel, 2007)





Pillow-lavas, Pointe de la Heussaye. (Clichés J.M. Valère)





Pillow-lavas, Pointe de la Heussaye. (Clichés J.M. Valère)


A l’origine, des filons magmatiques s’infiltrent dans les dépôts sédimentaires marins, jusqu’au moment où le magma interagit avec l’eau pour former les pillow-lavas. Une pillowlava comporte une coque fine à sa périphérie et une partie de granulométrie plus grossière en allant vers le centre. Au contact de l’eau, la différence thermique est si importante que la structure cristalline du magma se fige. Les cristaux sont de très petite taille et très mal formés. En revanche, à l’intérieur, le magma est isolé, la température met plus de temps à baisser et les cristaux sont mieux développés et plus gros.

On remarque que l’espace laissé libre entre chaque pillow-lava lors du développement de l’empilement est rempli de débris provenant de ces laves.



Débris de pillow-lavas. (Cliché J.M. Valère)


En certains endroits, des cristaux amorphes de couleur blanche se sont formés. C’est le résultat de l’emprisonnement de gaz et d’eau saturée en silice, qui vont cristalliser au cours du refroidissement des empilements laviques sous-marins.



Cristaux amorphes dans les empilements laviques. (Cliché J.M. Valère)


Les formations de pillow-lavas alternent avec des bancs de tufs ou de cendres volcaniques qui traduisent la présence d’une activité volcanique à l’air libre. Lorsque ces cendres tombent dans l’eau, les particules les plus lourdes sédimentent en premier et constituent la base des dépôts. Puis les particules plus fines, restées en surface plus longtemps, se déposent à leur tour au sommet de ces dépôts. La répétition des épisodes volcaniques aériens explosifs produit la formation d’alternance de ces couches mélangées à des sédiments marins.



Détail des dépôts volcano-sédimentaires. (Cliché J.M. Valère)




Affleurement des dépôts volcano-sédimentaires. (Cliché J.M. Valère)


En allant vers l’extrémité de la pointe de la Heussaye, on trouve une formation filonienne recoupant l’empilement sur toute sa hauteur, ainsi que des brèches de couleur foncée prises dans leur gangue de sédiments marins.



Blocs de sédiments hyaloclastiques. (Cliché J.M. Valère)


Les brèches volcaniques se sont formées au cours d’explosions sous-marines. Sous l’effet de la pression des gaz, les couches ‘‘hermétiques’’ constituées par les dépôts de cendres, de sédiments marins et de pillow-lavas sont pulvérisées. Les débris sont piégés lors de leur retombée dans une matrice de sédiments jeunes et donc meubles.

D’autres roches formées quelques millions d’années plus tard sont également visibles de l’autre côté de la baie d’Erquy. Il s’agit de la formation des grès quartzites, de teinte légèrement rosée, et datée de 450 millions d’années. Leur origine, purement sédimentaire, est liée au démantèlement des reliefs continentaux armoricains pendant la remontée du niveau océanique global.



Formation des grès d’Erquy. (Cliché J.M. Valère)


L’accumulation de sédiments frais amenés par les réseaux fluviaux post-glaciaires, rend le bord de la plate-forme continentale armoricaine très instable. Le moindre séisme ou déplacement tectonique suffit à provoquer des effondrements. Le site des Lacs Bleus est un superbe exemple de manifestation de ce genre de coulée. Les structures géologiques granoclassées qui sont visibles, sont typiques des passages répétés, à cet endroit, de courants de turbidités. Le bas du front de taille de l’ancienne carrière correspond à des dépôts liés au passage d’un écoulement de haute densité, c’est-à-dire très chargé en particules. Le sommet, correspond aux passages de courants de faible densité, peu chargés en particules.


Le site des Lacs bleus à Erquy. (Cliché J.M. Valère)




Front de taille de l’ancienne carrière (Cliché J.M. Valère)


Les couches les plus basses visibles sur le site sont constituées par des sables fins qui ont enregistré les turbulences de l’écoulement de forte densité : on parle de stratifications entrecroisées. Les dépôts qui succèdent immédiatement à ces figures sédimentaires sont dus à la sédimentation des particules plus fines en suspension en queue d’écoulement. Il en résulte la formation de lits argileux d’abord à gros grains puis à grains très fins. Les argiles à gros grains forment l’essentiel de l’affleurement et sont recouvertes d’une patine brun-noire qui témoigne de la présence massive de fer (hématite). Les argiles à grains très fins constituent la bande claire et peu épaisse au sommet des argiles ferrifères. Ces dépôts se sont formés en climat tropical et en contexte marin agité ; deux facteurs qui ont accéléré l’altération chimique poussée, puis la désagrégation des roches continentales armoricaines.

En haut de l’affleurement, on remarque plusieurs unités de dépôts de grès à galets. La forme arrondie des galets témoigne d’un transport prolongé dans des eaux agitées fluviales et océaniques.



Bancs de grès conglomératiques. (Cliché J.M. Valère)


C’est à la même époque que se forment les grès de la série de Fréhel. La série de Fréhel est différente de la série d’Erquy par sa composition chimique et son pendage*. Ici, la composition essentiellement feldspathique de ces grès indique que la roche-mère a subi une altération beaucoup moins poussée que la série d’Erquy. Le faible pendage actuel de ces grès, indique premièrement que les dépôts n’ont pratiquement pas subi les déformations tectoniques accumulées depuis 450 millions d’années par les socles continentaux et océaniques. Deuxièmement, compte tenu de l’étendu du plateau, il pourrait s’agir d’un ancien estuaire.



Plateau rocheux du Cap Fréhel. (Cliché J.M. Valère)


A l’image du rocher de la Fauconnière, certaines parties sont plus dures et témoignent de l’hétérogénéité des couches de sédiments déposées dans des conditions climatiques changeantes à cette époque.



Rocher de la Fauconnière, Cap Fréhel. (Cliché J.M. Valère)


La période ordovicienne s’achève sur un épisode glaciaire de courte durée, 1 ou 2 millions d’années, qui donne lieu à une nouvelle crise biologique. Cette perturbation dans le monde du vivant, se déroule en deux temps. La première phase se passe à la transition Rawteyen – Hirnantien, étage de l’Ashgillien (voir l’échelle des temps géologiques p.49), lors de l’étape de régression océanique liée au piégeage des eaux superficielles dans les glaces. Ce premier événement affecte les faunes planctoniques, qui sont désormais obligées de vivre dans une tranche d’eau devenue saturée en dioxyde de carbone et appauvrie en oxygène. La deuxième phase de la crise a lieu au début du Silurien à la fin de la glaciation


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