HIRONDELLE RUSTISQUE
(Hirondo rustica)
Note de l'auteur : l'hirondelle rustique, espèce qui m'a particulièrement motivé et mobilisé pendant 46 ans !!
La disparition hivernale du bel oiseau a toujours été une énigme. Aristote prétendait que la cigogne se cachait en hiver. Toutefois, il reconnaissait comme migrateurs le pélican et la grue, confirmant Homère et Pline. Naturalistes et philosophes admettaient que certaines espèces se cachaient ou s’enfouissaient. Le grand Linné, lui-même, affirmait que les hirondelles s’immergeaient dans la vase des marais durant l’hiver (1735) pour réapparaître au mois de mars. Pourquoi alors ne pas la traiter de « messagère de printemps » ?
L’OISEAU
- Détermination, caractères.
L’hirondelle rustique a un dessus bleu métallique, un dessous blanc, un flanc roux-châtain, un menton et une bande pectorale bleues. La face et la gorge sont rouge brique. Mâle et femelle ont une coloration identique mais la longueur des filets de la queue sont nettement plus longs chez le mâle
- mâle …. : aile = 120/129 mm - filet = 35 mm et plus (un record 74 mm)
- femelle : aile = 118/125 mm - filet = 28 mm et moins
- le poids varie de 14 à 23,7 g (moyenne 18,9 g)
- la femelle a des plaques incubatrices en période de nidification. Les juvéniles ont un plumage plus terne, plus brun. La gorge est plus rosée. Les filets de la queue sont inexistants.
- La voix. C’est un babillage mélodieux, des pépiements.
- Alimentation. Elle vole bas, d’un vol rapide et virevoltant. Elle chasse surtout près du sol ou de l’eau, à une hauteur moyenne de 7 à 8 m. Le régime alimentaire se compose de petits insectes volants, diptères en majorité : mouches, taons, éphémères mais aussi des lépidoptères, chenilles, araignées. Très rarement des matières végétales (baies). Elle peut se percher parfois dans les arbres pour capturer ses proies .
HABITAT – DISTRIBUTION
- Habitat. Les hirondelles rustiques se reproduisent sous des climats très divers et sur une grande échelle d’altitude, depuis le niveau de la mer jusqu’à 1800 m dans les Alpes et 3000 m dans le Caucase
- Distribution. Il s’agit de l’espèce d’hirondelle la plus répandue, présente sur tous les continents, sauf en Australie. Elle rejoint l’Afrique en migration et séjour hivernal. Elle préfère les milieux ouverts tels que les exploitations agricoles où les bâtiments fournissent des site de nidification et où l’eau est toujours à proximité.
NIDIFICATION
En dépit de leur sociabilité, les oiseaux de cette espèce ne s’établissent pas en colonies. Il faut des conditions particulières pour que plusieurs couples occupent un même local.
L’espèce fut le thème essentiel dans mon programme de baguage pour le C.R.B.P.O. Centre de Recherches sur la Biologie des Populations d’Oiseaux (Museum de Paris). Mes premiers travaux sur la biologie de l’espèce sont parus dans le
Bulletin de l’Académie des Sciences de Moscou (analyse et résumé). Ce sont
3.740 nids qui ont été suivis dans cette étude. Dans une ferme je note un record de 52 nids avec jeunes bagués (quelle période faste !).
Les mâles arrivent les premiers sur les sites de nidification, choisissent l’endroit du nid. Les adultes sont fidèles à un lieu ; les jeunes reviennent dans la région mais rarement sur place.
- Le nid est construit dans un bâtiment, sur une poutre, sur un abat-jour, à quelques mètres du sol, souvent à proximité d’animaux domestiques (chaleur, insectes) : étables, porcheries, poulaillers, écuries, remises … Un quart de sphère construit en boulettes de terre malaxée à la salive (957 boulettes dans un nid analysé), des herbes sèches mêlées consolident l’ensemble (véritable béton armé). L’intérieur est tapissé de foin sec, de crins, de plumes.
La construction du nid dure environ une semaine, la restauration d’anciens nids demande seulement quelques jours.
- La ponte. La nidification se déroule d’avril à août. On peut noter que chaque couple réalise
2 couvées par an, certains tentent une 3ème (j’ai étudié quelques cas). La première se compose en moyenne de 4 à 5 œufs. Ceux-ci sont blancs, tachetés et ponctués de brun rouge et gris violacé (surtout au gros bout). La deuxième ponte est moins importante. Les œufs sont pondus à intervalle d’un jour ou plus si les conditions de la météo sont mauvaises. La femelle couve seule. L’incubation dure de 14 à 16 j (moyenne 15 jours).
- Les jeunes. La présence au nid est de 18 à 23 j. Le plumage des poussins évolue très rapidement.
Les jeunes de première couvée aident parfois à l’élevage de la seconde. Les nourrissages sont effectués par les deux parents. La réussite à l’éclosion est élevée : 90%. Le taux à l’envol est d’environ 70 à 90 % des œufs pondus. La mortalité moyenne annuelle est de 40 à 70 % chez les adultes, de 70 à 80 % chez les jeunes d’un an.
- Longévité. La plupart des sujets vivent moins de 5 ans. La littérature ornithologique signale des cas exceptionnels de 7 ans. Personnellement j’ai eu la chance de réaliser le contrôle de 3 individus âgés de 7 ans et surtout d’un
mâle de plus de 8 ans... Sur 979 oiseaux bagués contrôlés sur place (plus d’un an après baguage) 639 sont des hirondelles rustiques soit 62,27 %. L’explication vient du fait que l’espèce est un thème de baguage et de travail intensif.
MIGRATION
Migratrice, l’hirondelle rustique arrive en France en mars-avril et repart vers l’Afrique d’août à octobre. L’espèce hiverne en Afrique sub-saharienne, tropicale et Afrique centrale. Le baguage peut être réalisé après capture au filet (majorité d’adultes) ou au nid (poussins). En 46 ans, ce sont
21.298 sujets qui ont été marqués. Certains oiseaux sont contrôlés sur place après leur séjour hivernal (voir ci-dessus) et quelques uns le sont sur les lieux d’hivernage : Espagne (10 mois après le baguage), Algérie (2 mois), Maroc (3 mois), Bénin (7 mois), Côte d’Ivoire (9 mois) Ghana (1 an) et Centre Afrique (1 an 3 mois).
CAS CURIEUX
- Hybridation – Quelques cas d’hybridation auraient été notés avec des hirondelles de fenêtre (travaux de Pierre NICOLLAU – GUILLAUMET).
- Albinisme – Quelques cas personnels sont à souligner. Par contre, je n’ai jamais pu prouver qu’un individu albinos menait avec succès la nidification d’une nichée.
CONSERVATION DE L’ESPECE
L’hirondelle rustique bénéficie presque partout du respect et de l’amitié, peut-être même de la superstition. L’espèce est notée en déclin en Europe et également en France. Ce déclin est lié à la fin de l’élevage traditionnel, à l’utilisation des pesticides, à la transformation des bâtiments. Il faut ajouter la mortalité due aux traversées du Sahara, du Maghreb et de la mer. Il faut ajouter aussi la mortalité due aux intempéries (jusqu’en mai).
D’ores et déjà, il faut, notamment, favoriser et encourager l’élevage traditionnel ainsi que toutes les pratiques agricoles extensives. Dès l’arrivée des oiseaux, faciliter l’accès à leurs sites de nidification, installer sous les nids des protections contre les déjections …
Michel BOUILLOT
Ornithologue
Collaborateur du C.R.B.P.O (Museum National)
Membre Titulaire de l'Académie du Morvan
Adhérent de Terre et Volcans
NB :Dans cette rubrique et du même auteur :
- Le 25-04-2008 Ornithologie et Volcanologie de Costa Rica.
- Le 26-04-2008 Faune de l'Afrique Australe